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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital du pianiste Leif Ove Andsnes dans le cadre de la série Piano aux Champs-Élysées de Jeanine Roze Productions au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Un piano Ă la chaleur de violoncelle
Triomphal récital de Leif Ove Andsnes qui parvient aujourd'hui à une maturité absolue. Dans un programme tout romantique, avec un détour contemporain, le pianiste norvégien s'impose maintenant aux côtés de ses plus illustres collègues, toutes générations confondues. Un toucher exceptionnel, qui en bien des endroits parvient à faire sonner le clavier comme un violoncelle.
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Même ses admirateurs de longue date sont surpris. On attendait beaucoup de ce récital de Leif Ove Andsnes, mais ce que l'on a entendu a encore dépassé toutes les espérances. Avec un calme absolu, une sobriété de comportement égale à celle de son costume de ville – cette génération a fort heureusement renoncé en général au très décoratif mais réfrigérant habit traditionnel – le pianiste norvégien, maintenant trentenaire, a donné une époustouflante démonstration d'intelligence musicale et pianistique. Avec, bien entendu, tout ce que le talent et l'instinct peuvent ajouter au travail et à la réflexion. Dès les Quatre pièces op. 32 de Schumann inscrites en début de programme, on comprend, à la richesse du son, à l'imagination guidant leur interprétation, que l'on va vivre de bien grands moments de musique.
Et en effet, l'opulente Sonate en ut mineur D. 958 de Schubert et, après l'entracte, l'opus 110 de Beethoven sont abordées de manière totalement grisante. Qu'il s'agisse de la vision d'ensemble de ces oeuvres fondatrices, de la qualité exceptionnelle d'un toucher qui, grâce à un jeu de pédale somptueusement maîtrisé, garde sa limpidité dans les tempi les plus déchaînés et les structures les plus complexes, ou qu'il s'agisse encore d'une manière inégalable d'animer et de renouveler l'intensité rythmique et dynamique d'un mouvement, ce que fait Andsnes est éblouissant, et surtout générateur d'une énorme et permanente émotion.
On pourrait citer maints passages d'anthologie, comme la pression imperceptiblement croissante introduite dans le dernier mouvement de la sonate de Schubert ou encore la reprise à la fois furtive, inattendue, discrète et impérieuse du thème de la fugue de l'ultime mouvement de la sonate de Beethoven. L'attention et l'expressivité sont sollicitées sans répit, faisant même oublier la légitime admiration suscitée par cette technique à la fois fluide et brillante, qui fait chanter le clavier comme un violoncelle.
C'est d'ailleurs ce rapport incroyable au clavier que met en valeur Shadow of Silence de Bent Sorensen, pièce commandée au pianiste par Carnegie Hall. Moins d'effets émotionnels mais une manière très séduisante, une fois encore, de rapprocher au maximum le piano d'un instrument à archet, sans pour autant que l'individualité de chaque frappe de note soit noyée dans la masse.
Il est incontestable, après un pareil récital, que Leif Ove Andsnes, débarrassé d'une certaine distanciation que d'aucuns pouvaient qualifier de froideur, n'est plus « l'un des meilleurs pianistes de sa génération », mais, plus simplement, « l'un des grands pianistes de l'époque ». On peut d'ailleurs en retrouver la preuve sur le DVD consacré à Bach et à Mozart que vient de publier EMI, label chez qui, rappelons-le, Andsnes a réalisé, notamment avec Ian Bostridge, plusieurs enregistrements exceptionnels.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 28/03/2006 Gérard MANNONI |
| Récital du pianiste Leif Ove Andsnes dans le cadre de la série Piano aux Champs-Élysées de Jeanine Roze Productions au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Schumann-Schubert-Sorensen-Beethoven
Leif Ove Andsnes, piano | |
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