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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de Platée de Rameau dans la mise en scène de Laurent Pelly et sous la direction de Marc Minkowski à l'Opéra de Paris.
L'esprit Platée
Paul Agnew (Platée) et François Lis (Jupiter).
Succès assuré pour cette reprise pour ainsi dire à l'identique de la Platée de Rameau dans la réjouissante production de Laurent Pelly, créée au Palais Garnier en 1999, bien que ses principaux artisans, et Marc Minkowski au premier chef, aient depuis lors exploré d'autres rivages. Car si le théâtre prend définitivement le pas sur la musique, l'esprit demeure.
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L'idylle qui unit Marc Minkowski à Platée dure depuis près de vingt ans. L'enregistrement qui témoigne de leur rencontre fait toujours figure de référence, tandis que le DVD capté lors de la précédente reprise de cette production consacre leur fidélité. On ne pouvait donc que se réjouir du retour à l'identique de la Nymphe des marais, bien que le chef français ait ces dernières saisons considérablement élargi son répertoire, prenant ses distances avec la musique qui l'a vu naître – ne dirigeait-il pas, de manière fort discutable, l'Orchestre de l'Opéra dans un programme consacré à Rimski-Korsakov et Franck la veille même de cette première ?
Son approche de Rameau s'en ressent, toujours aussi caracolante, mais désormais plus appuyée que spontanée, pour le plaisir de faire coasser un orchestre et un choeur qui ne demandent que cela. Si les contrebasses des Musiciens du Louvre-Grenoble ont conservé leur profondeur caractéristique, accentuée par un diapason à 392 Hz, l'ensemble se révèle moins infailliblement virtuose, parfois précipité, et surtout monochrome, à l'image d'un choeur plus préoccupé de théâtre que de musique, dont les ténors sortent plus qu'ostensiblement du rang. Gageons que Rameau gagne en pure drôlerie ce qu'il perd en grinçante ironie.
La distribution participe de cette même orientation, sacrifiant la ligne sur l'autel de la comédie. À cet égard, les nouveaux venus parviennent d'autant moins à faire oublier leurs prédécesseurs que Bernard Richter élude les vocalises de Thespis, François Le Roux vocifère sans le flegme de Laurent Naouri, et François Lis mugit son Jupiter avec bien moins d'esprit que Vincent Le Texier. Et si Doris Lamprecht, toujours hors voix, réitère sa Junon Hystérique, Franck Leguérinel son Momus narquois, et Yann Beuron, d'un timbre plus éclatant encore, son Mercure insolent, Valérie Gabail cherche désormais l'intonation et la fraîcheur de Clarine.
Toujours aussi anthologique dans son numéro de meneuse de revue à la grimace ravagée et ravageuse, la Folie de Mireille Delunsch manque pourtant de cette étincelle du renouveau que Paul Agnew sait faire jaillir à chaque mesure. Sans doute le ténor britannique a-t-il davantage, et non pas mieux, chanté le rôle de la nymphe, mais il le dit et le joue ici avec une liberté accrue, dans un style toujours évident, et un français d'une délectable clarté. Dévastée par son courroux final, sa Platée n'en est que plus attendrissante et burlesque de coquetterie naïve.
Il est vrai que les costumes que lui a imaginés Laurent Pelly sont un théâtre à eux seuls, véritables chefs-d'oeuvre d'une invention débridée qui envahit le plateau sans un instant de répit. Peuplé d'irrésistibles créatures tout droit sorties du Muppet Show, le théâtre démantibulé par la vase de Chantal Thomas est le lieu de toutes les exubérances et irrévérences chorégraphiques de Laura Scozzi. Car là où Rameau parodie tout un genre par ce trop-plein de symphonies que lui reprochait tant les lullistes, la chorégraphe déjante tout un art dès son décoiffant ballet d'ouvreuses, sans que rien ne paraisse gratuit ou redondant.
Et pour ses seuls entremêlements de masculines grâces, il faut voir, ou revoir, cette production, sans doute la plus accomplie de l'équipe Minkowski-Pelly, qui plus encore qu'une troupe exalte un véritable état d'esprit.
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L'âme de Platée
Depuis dix ans que sa Platée coasse dans les marais du monde entier, Jean-Paul Fouchécourt a fait siennes les amours malheureuses de la nymphe ridicule. Sans doute même est-il l'âme d'une production qui fut créée autour de lui. Le ténor français peut donc se contenter d'être, personnage réjouissant par sa seule silhouette, là où Paul Agnew, sombre de timbre et fringant d'allure, compose.
Et si la voix accuse quelques limites, notamment dans la scène finale, cette Platée sachant jongler entre les différents registres de la haute-contre à la française, colore son timbre idoine par la netteté d'une diction savoureuse, en un équilibre subtil entre fantaisie et fragilité.
Incontournable, cette reprise l'est d'autant plus que Mireille Delunsch, réinvestissant le geste, pare enfin sa folie de nouveaux accents. Mais que l'on ne nous demande pas de choisir entre les vertus complémentaires de nos irrésistibles naïades !
Mehdi MAHDAVI
19/04/2006
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Palais Garnier, Paris Le 14/04/2006 Mehdi MAHDAVI |
| Reprise de Platée de Rameau dans la mise en scène de Laurent Pelly et sous la direction de Marc Minkowski à l'Opéra de Paris. | Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Platée, ballet bouffon en un prologue et trois actes (1745)
Livret d'Adrien-Joseph Le Valois d'Orville, d'après la pièce de Jacques Autreau.
Choeurs et musiciens du Louvre-Grenoble
direction musicale : Marc Minkowski
mise en scène et costumes : Laurent Pelly
décors : Chantal Thomas
chorégraphie : Laura Scozzi
éclairages : Joël Adam
Avec :
Mireille Delunsch (Thalie, la Folie), Doris Lamprecht (Junon), Valérie Gabail (L'Amour, Clarine), Paul Agnew (Platée), Yann Beuron (Mercure), François Lis (Jupiter), François Le Roux (Cithéron, un Satyre), Franck Leguérinel (Momus), Bernard Richter (Thespis). | |
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