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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre des jeunes Gustav Mahler sous la direction de Claudio Abbado dans le cadre de Piano**** au Théâtre du Châtelet, Paris.
Au plus haut des cieux
Loin de se cantonner aux seuls récitals, la programmation Piano**** d'André Furno sait faire la part belle à quelques prestations symphoniques d'exception. Ainsi, la saison 2005-2006 restera aussi celle de la venue d'Abbado et l'Orchestre des Jeunes Gustav Mahler au Châtelet. Une soirée fabuleuse, culminant dans une 4e symphonie de Mahler en pure apesanteur.
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On sait le travail fabuleux qu'effectue Claudio Abbado à Lucerne depuis son départ de la Philharmonie de Berlin en 2002, on sait aussi à quel point la maladie qui a failli l'emporter au tout début du XXIe siècle a constitué un véritable tournant dans ses abords interprétatifs. Les trois quarts d'heure du Pelléas et Mélisande de Schönberg en sont ce soir la meilleure illustration.
Textures travaillées jusqu'au plus infime détail mais débit toujours naturel, ce type d'approche allégée à l'extrême séduit par ses sonorités vaporeuses, la ductilité de sa pâte sonore, son mouvement d'ensemble, sa mise en valeur d'orfèvre de l'orchestration pourtant très fournie du père de la Seconde École de Vienne, surtout avec un orchestre dont le plaisir de jouer est palpable à chaque instant. Il en ira de même après l'entracte d'une 4e symphonie de Mahler bénie des dieux.
Abbado offre un mouvement liminaire absolument inouï, d'une souplesse, d'une liberté de ton grisantes, aux nuances infinitésimales, au rubato parfaitement inséré dans le flux contrapuntique, à la malléabilité exceptionnelle. Chambriste en diable, ce Mahler constitue un sommet de raffinement où à plusieurs reprises, la notion même de pulsation semble abolie, où d'impalpables pianissimi donnent aux suspensions une dimension quasi mystique, avant des tutti dénués de toute graisse orchestrale. À part celui de Boulez, plus littéral, on ne connaît pas Mahler aussi fluide, fouillé dans ses couleurs, vif dans ses changements d'atmosphère.
Entre lumière et transparence
L'Orchestre des Jeunes Gustav Mahler affiche de son côté une plastique miraculeuse – quel orchestre français pourrait s'y mesurer ? – et sonne souvent à la manière de la formation que le chef italien a ressuscitée voilà trois ans, l'Orchestre du Festival de Lucerne. Même transparence, même lumière, mêmes contours galbés, même fondu dans les sonorités. Certains pupitres donneraient la leçon aux plus grands : le violon solo de Raphael Christ, digne fils de son père, ancien alto solo de la Philharmonie de Berlin ; la flûte – une Böhm en bois – en état de grâce, dont chaque intervention tient du miracle ; les violoncelles, qu'on pourrait prendre pour ceux de la Philharmonie de Vienne ; les cuivres, clairs et légers comme la plume.
Il n'est guère que la prestation de Monica Bacelli – dont on saluera nettement plus la présence sur scène dès le début de la symphonie que le chant rien moins qu'angélique –, et quelques menus incidents à l'orchestre – en comparaison notamment de l'infaillible 9e italienne d'avril 2004 – pour apporter une infime ombre au tableau.
Car la manière dont Abbado et ses jeunes troupes, après un mouvement lent à pleurer, amènent la dernière strophe du lied terminal, dans un ritardando à la tendresse infinie où le temps semble s'arrêter, avec une tenue de flûte et un pianissimo de violons absolument irréels, ne saurait illustrer mieux le vers Kein' Musik ist ja nicht auf Erden (Aucune musique ici-bas ne saurait égaler la nôtre), avant de s'achever dans l'impalpable d'une conclusion aux frontières du silence, amenée avec un art confondant de la suggestion, de la retenue dans le geste, de l'ineffable.
On aurait souhaité que ce moment trop rare s'allonge encore et encore, jusqu'à sacrifier les applaudissements, tant on était bien, là -haut
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Théatre du Châtelet, Paris Le 27/04/2006 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre des jeunes Gustav Mahler sous la direction de Claudio Abbado dans le cadre de Piano**** au Théâtre du Châtelet, Paris. | Arnold Schönberg (1874-1951)
Pelléas et Mélisande, poème symphonique op. 5 (1903)
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 4 en sol majeur (1900)
Monica Bacelli, mezzo-soprano
Gustav Mahler Jugendorchester
direction : Claudio Abbado | |
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