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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Les Elégies de Philippe Fénelon à l'opéra de Nancy-Lorraine
La quête séraphique de Fénelon
Après Le Chevalier imaginaire et surtout Salambô, Philippe Fénelon est devenu l'un des compositeurs les plus controversés mais aussi des plus incontournables de la musique actuelle. Sa dernière oeuvre, Elégies, est basée sur une des oeuvres majeures de la poésie allemande. Créée scéniquement à Nancy, elle fut reprise le 7 avril à Lausanne, à Caen le 13 et le sera à l'Opéra du Rhin (Strasbourg) à partir du 25 mai 2000.
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" Qui donc, si je criais, m'entendrait parmi la hiérarchie des anges ? "
par ce vers débutent ces mystérieuses et fascinantes Elégies de Duino, ultime oeuvre de Rainer-Maria Rilke, et sans doute la plus importante de toute sa production. Il pourrait sembler sacrilège d'extraire quoique ce soit de ces Elégies, tant la matière est fortement architecturée et les thèmes étroitement tissés les uns avec les autres. Or, Philippe Fénelon a su non pas extraire, mais élire quelques-unes de ces Elégies, celles qui, pour lui, suscitaient cette musique intérieure qu'il a sécrétées autour des vers de Rilke. Tout ceci tient de l'ineffable, mais ce n'est pas scénique.
Je n'ai pas assisté à la création, le 18 novembre 1996, à l'auditorium de l'Opéra Bastille de ce qui s'appelait alors Dix-huit Madrigaux, mais je comprends l'émotion des auditeurs d'alors devant le travail des Jeunes Solistes. Or la présentation nancéenne, mise en espace (plutôt qu'en scène, comme l'indique le programme), réduit les chanteurs au nombre de six (deux sopranos, deux ténors, un baryton et un haute-contre), accompagnés par un trio à cordes et théorbe, sous la direction sensible d'Henri Farge. La référence à Monteverdi est telle qu'il n'est plus nécessaire, même souhaitable de conserver le titre original de Dix-huit Madrigaux.
Carmello Agnello - disciple jadis de Bussotti, puis assistant d'Harry Kupfer - a conçu dans un univers de couleurs sombres et de lumières confidentielles (signées Manfred Voss) des déplacements et des gestes, des entrées et des sorties qui sont comme des séparations et des retrouvailles dans cette quête de de l'Ange gardien des secrets du coeur de Rilke. La chorégraphie est moins satisfaisante, j'aurai pour ma part apprécié que les corps se laissent emporter par l'inspiration musicale et donnent l'impression d'être à l'origine du mouvement musical.
Ce dernier est d'ailleurs d'une beauté rare. Il naît de la simplicité d'un mot, d'une note, pour rejoindre l'autre. Et l'accord s'harmonise, le couple devient mélodie. Tonal ? atonal ? qu'est-ce à dire ? Fénelon possède sa propre grammaire, et elle se rapproche plus qu'aucune autre de l'écriture des poètes. Et si lui seul en possède les clefs de cet univers, les portes en sont ouvertes à tous les auditeurs.
Dommage à ce niveau, que Christian Cheyrézy n'ait pas été aussi loin dans les oppositions de sa scénographie. Il reste trop timide, trop timoré, car il y a des mots de Rilke, des accents de Fénelon qui eussent mérité une compréhension coloriée moins frileuse. Mais quoi qu'il en soit, Elégies est une grande oeuvre et un spectacle avec lequel on est aux anges.
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Opéra de Lorraine, Nancy Le 30/03/2000 Antoine Livio (1931-2001) |
| Les Elégies de Philippe Fénelon à l'opéra de Nancy-Lorraine | direction musicale (Henri Farge), mise en scène (Carmelo Agnello), scénographie (Christian Cheyrizy), costumes (René Zamudio), lumières (Manfred Voss), sopranos (Julie Hassler et Béatrice Mayo-Felip), haute-contre (Michel Géraud), ténors (Michael Bennett et Eric Raffard), baryton (Jen-Christophe Jacques), violoncelle (Eléna Andreyev), alto (Gilles Deliège), théorbe (Caroline Delume), violon (André Pons-Valdès). | |
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