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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital du pianiste Leon Fleisher dans le cadre du festival Piano aux Jacobins au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Un art sublimé
Artiste de légende, le pianiste américain Leon Fleisher, dans un récital au Théâtre des Champs-Élysées organisé par le Festival Piano aux Jacobins, a prouvé une fois encore que pour lui, son instrument restait avant tout le messager de la musique, particulièrement dans une dernière sonate de Schubert d'un naturel confondant.
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En invitant Leon Fleisher à Paris en guise de prolégomènes au 27e festival Piano aux Jacobins qui se déroulera à Toulouse du 6 au 28 septembre prochain, les organisateurs ont créé l'événement. Depuis plus de trente ans, tout a été dit et écrit sur ce pianiste américain dont la carrière a été transformée alors qu'elle était à son zénith à la suite d'une paralysie de la main droite qu'il semble avoir, depuis, surmontée.
Disciple d'Arthur Schnabel, héritier d'une tradition séculaire, vainqueur en 1952 du prestigieux Concours Reine Elisabeth de Belgique, il est aujourd'hui, à l'âge de 78 ans, le témoignage vivant d'un art qu'il transmet aussi en tant que pédagogue dans le monde entier. On aura pu s'en rendre compte à l'écoute de ce récital d'une intelligence supérieure qui faisait alterner pages pour la main gauche – dans lesquelles Leon Fleisher est passé maître – et oeuvres pour les deux mains – où il sait dépasser le cadre de la technique pure.
La courte transcription d'Egon Petri de l'air Shafe können sicher weiden (le troupeau peut paître en paix) extrait de la Cantate de la chasse, BWV 208 de Jean Sébastien Bach n'est qu'une mise en doigts intimiste. En revanche, Messages I de l'Américaine Dina Koston créé en 2002 à New-York, permet à son dédicataire, avec bonheur, de jouer sur les sonorités, les effets d'intensité très contrastés. Music for left hand (1995) de Leon Kirchner est une partition qui s'inscrit dans une démarche post-brahmsienne où le soliste sculpte un matériau comme dans la Chaconne de Bach – extraite de la Partita pour violon BWV 1004 – transcrite pour la main gauche par Brahms. On pourrait attendre davantage de grandeur mais Fleisher préfère dégager l'architecture sonore au détriment d'une puissance qu'il détient pourtant mais qu'il sait contrôler.
C'est toutefois dans la Sonate en sib majeur D. 960 de Schubert que Fleisher se révèle le plus grand et le digne héritier d'Arthur Schnabel. Loin de la perfection de certains, même si ses doigts parfois dérapent, on assiste à une recréation d'un naturel confondant où le tempo, souvent retenu, laisse parler la musique seule ; le clavier n'étant plus que l'intercesseur entre le compositeur et nous-même.
Au fil de cette exécution d'une incandescence implicite mais d'une rhétorique discursive, le pianiste chemine en un rêve éveillé qui transporte le public du Théâtre des Champs-Élysées dans l'intimité d'un salon de musique. L'art sublimé dépasse ici les limites du monde réel.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 23/05/2006 Michel LE NAOUR |
| Récital du pianiste Leon Fleisher dans le cadre du festival Piano aux Jacobins au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Bach/Petri, Koston, Kirchner, Stravinski, Bach/Brahms, Schubert
Leon Fleisher, piano | |
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