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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Requiem de Verdi par l'Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Myung-Whun Chung au festival de St-Denis 2006.

Opulent Requiem

La soprano américaine Angela Brown.

Il faudrait, selon Toscanini, réunir les quatre meilleurs chanteurs du monde pour réussir le Trouvère. Cette boutade pourrait aussi bien s'appliquer à la Messa da Requiem, dont les exigences sont pour le moins implacables. L'acoustique impitoyable de la Basilique de Saint-Denis n'a en rien entamé la rare opulence du plateau vocal réuni par Myung-Whun Chung.
 

Basilique, Saint-Denis
Le 09/06/2006
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Créé le 22 mai 1874, jour anniversaire de la mort du poète Manzoni, à l'église San Marco de Milan, le Requiem de Verdi déserta aussitôt le lieu de culte pour la Scala, où il connut un triomphe immédiat. « Opéra en vêtements sacerdotaux Â», dira le très wagnérien Hans von Bülow, dont le jugement sarcastiquement réducteur ne s'en trouve pas moins étayé par une écriture vocale d'un lyrisme souverainement épanoui. Le compositeur n'alignait-il pas, lors des premières exécutions, Teresa Stolz, Maria Waldmann, Giuseppe Capponi et Ormondo Maini, ceux-là même qui venait de faire triompher Aida dans la péninsule, les soumettant néanmoins à une palette dynamique extrêmement précise et exigeante ?

    Le quatuor réuni à la Basilique de Saint-Denis pouvait se prévaloir d'un équilibre rare, et même inespéré en ces temps de disette verdienne. Véritable révélation, Angela Brown a bien le format d'une Aida, lirico spinto à la tessiture insolemment dominée, contre-ut glorieux et graves parcimonieusement poitrinés, d'autant que la souplesse de cet instrument à l'ampleur maîtrisée ne se dément jamais. Intensément nourrie de métal pulpeux, la ligne est couronnée de pianissimi d'un rayonnement et d'une richesse harmonique d'un autre âge.

    Parvenue à sa pleine maturité vocale, Béatrice Uria-Monzon déploie son timbre de feu avec la même somptuosité, bien que l'assise parfois vacille en-dessous du mezzo-forte. Sans doute la chanteuse française, dont l'aigu s'épanouit souverainement, n'a-t-elle pas tout à fait les graves d'un grand mezzo verdien, mais sa voix s'unit d'évidence à celle de la soprano américaine, en un Recordare de rêve, plus que dans la section a cappella de l'Agnus Dei où l'octave qui les sépare fluctue.

    D'une sobriété expressive inaccoutumée, Rolando Villazón, dont le timbre aura paru un rien terne et forcé comparé aux sonorités capiteuses prodiguées par ces dames, phrase admirablement l'Ingemisco, et use d'une mezza voce envoûtante dans l'Hostias. Authentique basse italienne à la couleur naturellement noble, Robert Scandiuzzi a l'aigu parfois laborieux, le vibrato aléatoire, et l'intonation défaillante, mais tonne majestueusement de son creux inflexible.

    Une direction ample et apaisée

    Compte tenu de la redoutable acoustique de la Basilique, et aussi loin que celle-ci permette d'en juger, Myung-Whun Chung offre à ces voix d'exception un écrin qui ne l'est pas moins. Ce qui, dans son geste, pourrait passer pour de la nonchalance, voire de la mollesse, est ici concentration extrême, et intime ferveur. Car sans aller jusqu'à contenir les déchaînements fortissimo du Dies irae, du Rex tremendae ou du Libera me, le chef coréen donne de ce Requiem une lecture apaisée, à la respiration ample, jouant d'une limpidité nécessaire à la clarté des fugues, malgré une pulsation brouillée dans le Sanctus.

    L'engagement constant, sinon infaillible, du Choeur et de l'Orchestre Philharmonique de Radio France, achève d'assurer l'équilibre d'un édifice incontestablement sacré, orné de voix d'une opulence toute profane.




    Basilique, Saint-Denis
    Le 09/06/2006
    Mehdi MAHDAVI

    Requiem de Verdi par l'Orchestre philharmonique de Radio France sous la direction de Myung-Whun Chung au festival de St-Denis 2006.
    Giuseppe Verdi (1813-1901)
    Messa da Requiem (1874)

    Angela Brown, soprano
    Béatrice Uria-Monzon, mezzo-soprano
    Rolando Villazón, ténor
    Roberto Scandiuzzi, basse

    Choeur et Orchestre Philharmonique de Radio France
    direction : Myung-Whun Chung

     


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