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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Daphnis et Chloé de Ravel suivi du Château de Barbe-Bleue de Bartók par l'Orchestre de Paris sous la direction de Pierre Boulez au Théâtre du Châtelet, Paris.
Une brillante fin de saison
Pour conclure une saison symphonique moins riche que d'ordinaire en raison du Ring de Wagner et avant de réintégrer pour de bon la salle Pleyel en septembre, l'Orchestre de Paris avait fait appel à Pierre Boulez pour un très long concert Ravel-Bartók au Châtelet. Une soirée où le chef français délivre quelques sortilèges et où Jessye Norman expose les derniers feux d'une voix sublime.
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À 81 ans passés, Pierre Boulez n'a rien perdu de son endurance et ne craint pas plus qu'autrefois les programmes aux terribles exigences instrumentales. Il reste d'ailleurs l'un des grands spécialistes de Daphnis, tant au disque – Berliner Philharmoniker / Deutsche Grammophon, l'un des plus grands enregistrements de musique symphonique des années 1990 – qu'au concert – parmi lesquels la prestation inoubliable de Lucerne avec le même orchestre.
Il serait d'ailleurs difficile de nier que ce concert de 2002 avait atteint des sommets nettement plus élevés que celui de ce soir dans la sensualité, l'éventail dynamique, la motricité et la profusion coloriste. Demeure toutefois la même science de l'orchestre, des dosages instrumentaux, avec cette introduction aux frontières de l'impalpable, aux harpes instillant une lumière feutrée, avec ces cordes miroitantes, ces textures extrêmement fines et aérées, typiques de l'école française, et surtout le vertigineux solo de flûte de Vicens Prats, joué comme en rêve, au vibrato raréfié, à la sonorité immaculée.
Le choeur de l'Orchestre de Paris, remplissant parfaitement son rôle de commentateur à l'antique, s'instrumentalise au contact de l'orchestre, mais détonne sérieusement dans l'épisode a cappella, avant de se ressaisir pour accompagner une Danse générale plus fuyante que dionysiaque, d'une virtuosité admirablement contrôlée, par un orchestre qui ne force jamais la dynamique et semble privilégier l'horizontalité sur la verticalité. Un très beau Daphnis, d'une sensualité peu débridée et au cor solo déficient, mais d'une qualité d'ensemble trop rare pour être passée sous silence.
Boulez dédie naturellement la seconde partie du concert à Ligeti, disparu la veille à l'âge de 83 ans, en précisant que son contemporain et ami était un héritier direct de Béla Bartók. Dans le Château de Barbe-Bleue, le chef français prend le temps de sculpter les phrases sans que jamais l'avancée n'en pâtisse, et aime à souligner les originalités timbriques de l'orchestration, d'un geste souple et toujours attentif à la continuité dramatique. Sans doute défendait-il autrefois une vision plus aiguisée, mais il semble parvenu aujourd'hui à un point d'équilibre dans l'architecture ramassée de cet opéra d'une petite heure.
Jessye Norman est une Judith inquiétante dans son obsession, quasi visionnaire, et expose les derniers feux d'une voix qui laisse sporadiquement passer quelques sons radieux, même si le médium est aujourd'hui mangé par l'orchestre, et que l'aigu passe tout en petitesse, là où on aimerait que les vannes s'ouvrent – le contre-ut de la 5e porte. Mais le magnétisme reste impressionnant, par ce pouvoir de captiver par la seule présence, sans même avoir à produire un son. Le Barbe-Bleue solide et sonore de Peter Fried n'en paraît que plus monochrome et prosaïque, en phrases hachées, en sons engorgés.
L'Orchestre de Paris, quant à lui, affiche une tenue stupéfiante – les irisations de la 4e porte ; la raréfaction progressive des sonorités de la 7e – jusqu'à prodiguer quelques moments d'anthologie – les cuivres en grandes orgues de la 5e porte, surpuissants et chauffés à blanc. Une forme d'apothéose pour une saison riche en expériences.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 13/06/2006 Yannick MILLON |
| Daphnis et Chloé de Ravel suivi du Château de Barbe-Bleue de Bartók par l'Orchestre de Paris sous la direction de Pierre Boulez au Théâtre du Châtelet, Paris. | Maurice Ravel (1875-1937)
Daphnis et Chloé, ballet intégral avec choeur (1912)
Choeur de l'Orchestre de Paris
direction : Didier Bouture et Geoffroy Jourdain
Béla Bartók (1881-1945)
Le Château de Barbe-Bleue, drame lyrique en un acte (1918)
Livret de Béla Balázs
Jessye Norman (Judith)
Peter Fried (Barbe-Bleue)
Frigyes Funtek (récitant)
Orchestre de Paris
direction : Pierre Boulez | |
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