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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

IIe acte de Tristan et Isolde de Wagner en version de concert sous la direction de Kurt Masur au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.

La naissance d'un grand roi

Georg Zeppenfeld

Bilan mitigé pour ce Tristan fragmentaire du Théâtre des Champs-Élysées, entre un Kurt Masur inégal, une Isolde décevante et un Tristan malade. Mais une soirée dont on n'oubliera pas quelques moments bouleversants, parmi lesquels des appels de Brangäne hypnotiques et surtout un monologue du roi Marke parmi les plus beaux qu'on ait entendus.
 

Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 29/06/2006
Yannick MILLON
 



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  • Dans cette synthèse de Tristan en tout juste deux heures, la direction de Kurt Masur, pĂ©chant souvent par manque de prĂ©cision rythmique, se fait symptomatique d'une certaine tradition germanique ne datant pas d'hier, qui vise l'unitĂ© par un rencentrage des tempi – retenue des Ă©pisodes rapides, avancĂ©e des passages lents. On y gagne une forme de fluiditĂ© et d'arche, mais on y perd en immĂ©diatetĂ©, en drame – prĂ©lude et conclusion du II, moments d'exaltation du duo, arrivĂ©e de Marke, apogĂ©e de la Mort d'Isolde, tous frustrants par leur placiditĂ©.

    Cela dit, le chef allemand semble privilégier dès le départ une vision intérieure, désillusionnée, comme abattue, qui chante parfois son désespoir à l'orchestre avec une vraie intensité. Avec aussi de curieuses accélérations dans la Liebestod, et surtout cette conclusion qui, par précipitation, occulte presque entre les deux derniers accords la fusion des deux hautbois symbolisant l'union des amants dans l'éternité, moment pourtant sublime entre tous.

    Le National alterne lui aussi beauté des cordes – prélude du I, du III – et inégalités chez les bois, avec en premier lieu un cor anglais terriblement prosaïque, beaucoup trop présent et dont le lyrisme exacerbé, le vibrato et le grave outranciers sont un absolu contresens dans la mélopée désertique du pâtre, lointaine musique de scène où filtrent la solitude et le désespoir d'un Tristan à l'agonie.

    Une Isolde presque indifférente au mot

    Au niveau du plateau, la principale dĂ©ception vient de l'Isolde solide mais si peu touchante de Deborah Voigt. Voix colossale d'ampleur, d'Ă©ventail dynamique mais presque indiffĂ©rente au mot, l'AmĂ©ricaine souffre d'une Ă©mission souvent pointue et dure, d'une qualitĂ© de timbre peu soignĂ©e et d'un bas-mĂ©dium manquant de chair, vĂ©ritable problème pour Isolde. On ne s'attardera pas sur le Tristan « victime d'une très forte laryngite Â» d'Endrik Wottrich, habituĂ© de Bayreuth qui sauve ce soir les meubles du mieux qu'il peut, en marquant les moments les plus pĂ©rilleux du duo, laissant lutter presque seule contre l'orchestre une Isolde qui a de la voix pour deux.

    Plus en situation, la Brangäne légère, très soprano, d'Iris Vermillion, un peu juste de projection et d'ampleur dans le duo inital avec sa maîtresse, délivre du premier balcon à jardin un chant d'aube raréfié et crépusculaire, quasi hypnotique malgré une longueur de souffle réduite. Aussi bouleversant, le monologue du roi Marke, déclamé comme du Lied mais sans une once de maniérisme par le jeune Georg Zeppenfeld avec une intériorité, des nuances, un legato, un allemand, une égalité dans le timbre et les registres proprement miraculeux.

    Et comme à ce moment, la direction de Masur gagne un caractère de récitatif on ne peut plus approprié, admirablement relayé par une clarinette basse de toute beauté, la magie opère en plein. Il était temps en tout cas que l'on découvre de ce côté-ci du Rhin cette voix somptueuse qui fait les belles heures de la Staatsoper de Dresde, mais aussi de Salzbourg.




    Théâtre des Champs-Élysées, Paris
    Le 29/06/2006
    Yannick MILLON

    IIe acte de Tristan et Isolde de Wagner en version de concert sous la direction de Kurt Masur au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
    Richard Wagner (1813-1883)
    Tristan et Isolde, opéra en trois actes (1865)
    Prélude à l'acte I
    Acte II intégral
    Prélude à l'acte III
    Mort d'Isolde

    Orchestre national de France
    direction : Kurt Masur

    Avec :
    Endrik Wottrich (Tristan), Deborah Voigt (Isolde), Iris Vermillion (Brangäne), Georg Zeppenfeld (König Marke), Eike Wilm Schulte (Melot).

     


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