|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Reprise de l'Enlèvement au Sérail de Mozart mis en scène par Stefan Herheim sous la direction d'Ivor Bolton au festival de Salzbourg 2006.
Salzbourg 2006 (4) :
Chronique d'un scandale annoncé
Les étés passent, mais les opinions du public salzbourgeois ne semblent pas s'adoucir. La controversée mise en scène de l'Enlèvement au Sérail par le Norvégien Stefan Herheim, copieusement chahutée lors de sa création en 2003, suscite toujours autant l'ire des festivaliers, qui manifestent bruyamment leur désapprobation en ce soir de dernière.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
Régal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
Il faut bien le reconnaître, c'est sans grande surprise que les huées fusent, une fois le rideau final tombé sur cet Enlèvement au Sérail salzbourgeois, qui n'a de turc que le titre – et les airs. L'équipe dramaturgique, appelée sur scène par le chef Ivor Bolton dans un geste inattendu pour une représentation de clôture, essuie d'un coup la frustration d'un public qui a perdu tous ses repères avec cette reconfiguration complète du premier Singspiel mozartien à s'être imposé au répertoire. Mais le problème de cette production semble être essentiellement du domaine du vocabulaire.
Des dialogues originaux, nulle trace ici. C'est sur des bases entièrement nouvelles, ou du moins étrangères à ce qu'a connu le public de Mozart, que s'articule le spectacle que nous proposent Stefan Herheim et son complice Wolfgang Willaschek. Spectacle qui, osons l'affirmer au risque de provoquer nombre de crises d'urticaire, nous apparaît d'une valeur et d'un intérêt certains, même si sa trame peut sembler éculée ; nous sommes d'avis qu'elle donne plutôt lieu à un témoignage actuel probant.
À l'origine du monde et de sa chute, le désir ; puis l'amour, le sexe, l'impossibilité de la communication, la violence, l'opposition du masculin et du féminin, la dislocation des identités sexuelles, le renoncement, et finalement le néant. On pense à Ibsen, à Strindberg aussi : rien de très réjouissant, en somme, et rien pour faire rire un public d'opéra qui demeure, globalement, parmi les plus conservateurs de la planète. L'équation est connue : à propos dérangeant et antinomique du confort artistique bourgeois, réaction violente et irritée.
Cela dit, qualifier ce travail de « mise en scène de l'Enlèvement au Sérail de Mozart » nous paraît abusif, même s'il s'agit bel et bien d'une réflexion sur l'univers mozartien, sur les thématiques présentes dans l'oeuvre de Mozart, tellement plus complexes que l'idée parfois soporifique et superficielle que d'aucuns se font encore de l'homme et du compositeur.
La musique, en revanche, est parfaitement au rendez-vous. Franz Hawlata, que l'on a rarement connu aussi soigné d'intonation, aussi juste et aussi investi, livre un Osmin mémorable. Le débutant Charles Castronovo, s'il est doté d'un bel instrument, d'un physique avantageux et de beaucoup de tempérament, apparaît tendu dans les airs de Belmonte.
Les quelques sifflets qui accueillent la Constance de Laura Aikin aux saluts sont bien injustes. Si l'Américaine connaît un début de soirée difficile, elle fait preuve de beaucoup d'aplomb et d'endurance dans ses deux airs subséquents, livrant des variations de la plus belle invention et du meilleur goût. Valentina Farcas est une jolie Blondchen, Dietmar Kerschbaum un Pedrillo tout à fait hystérique.
Dans la fosse, Ivor Bolton insuffle à la partition et à l'Orchestre du Mozarteum une vitalité de tous les instants, usant de tempi toujours adéquats.
| | |
| | |
|