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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Reprise du Don Giovanni de Mozart mis en scène par Martin Kušej, sous la direction de Daniel Harding au festival de Salzbourg 2006.

Salzbourg 2006 (7) :
En deçà des standards

© Hans Jörg Michel

Thomas Hampson (Don Giovanni) et Luca Pisaroni (Masetto).

N'était la surprise d'une direction de Daniel Harding infiniment supérieure au souvenir calamiteux que le Britannique avait laissé à Aix il y a sept ans, encore une reprise salzbourgeoise décevante que ce Don Giovanni échoué entre une mise en scène toujours aussi creuse et une distribution bien faible par rapport aux standards du festival.
 

GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
Le 18/08/2006
Yannick MILLON
 



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  • Pas de chance pour ceux qui dĂ©couvriraient seulement aujourd'hui ce Don Giovanni de Martin Kušej, inaugurĂ© en 2002 et repris l'Ă©tĂ© suivant, qui prĂ©sentait au monde une divine Donna Anna. La confrontation dans l'excellence alors initiĂ©e avec l'Elvira de Melanie Diener donnait Ă  la production un Ă©clat que ne lui concĂ©dait pas sa partie scĂ©nique.

    En cet été de jubilé mozartien, Netrebko ne chante plus que la Suzanne des Noces et Diener, souffrante, se voit contrainte d'annuler. Et voilà qu'on nous inflige l'Elvira de Michaela Kaune : voix décentrée, aigus en arrière, arythmie, trous de mémoire et présence dérisoire, en plus du Don Giovanni toujours aussi éteint d'un Thomas Hampson sans chair, sans aigu, sans grave, juste en phase avec le looser pathétique qu'en fait la mise en scène.

    On peut aussi être déçu par l'Anna très peu Donna de Christine Schäfer, de toute évidence trop légère, obligée de verticaliser une émission qui laisse pourtant souvent passer un timbre miraculeux. Mais au moins, la Lulu de sa génération a de la rhétorique et des intentions musicales, qui confèrent une vraie intensité au personnage, malheureusement attifé comme une godiche des années yé-yé.

    © Hans Jörg Michel

    Bien sûr, on trouve toujours à Salzbourg des comprimari de prestige, comme la Zerlina pétillante, à peine pointue d'Isabel Bayrakdarian ; le Masetto idéal, à la sensualité rustique de Luca Pisaroni ; le Don Ottavio un rien voilé ce soir mais élégant de Piotr Beczala, dont l'aigu clair peut rappeler un Wunderlich ; le Leporello d'Ildebrando D'Arcangelo, beaucoup plus charnu de voix que son maître, très basse, très bouffe, mais un peu monotone au II. On ne s'étendra par contre guère sur le Commandeur de Robert Lloyd qui n'a plus comme ligne de chant qu'un mâchonnement poussif.

    À l'image de la majorité des mises en scène présentées cette année, voilà encore un Mozart désabusé, avec son séducteur anti-héros, presque victime des femmes, attendant une mort qui ne semble pas venir assez vite. Mais pour deux effets réussis – les femmes ravagées qui vomissent du sang dans la scène du cimetière, l'apparition du Commandeur – combien de ratages dans cette mise en scène creuse et mal remontée – le carrousel qui grince désormais tout son saoul lors de ses innombrables rotations ? Curieusement, la direction très soutenue de Daniel Harding la sauve partiellement de son inertie, quand le geste ultra-analytique de Nikolaus Harnoncourt en relayait le vide bien autant que le côté clinique.

    La transfiguration de Daniel Harding

    Impossible en effet de faire se succéder directions plus dissemblables que celles du vieil Autrichien et du jeune Britannique. Après des excès risibles à Aix, la vision de Harding a mûri. Finis les accents à la hache, la raideur cadavérique, les tempi ridiculement rapides, la course au n'importe quoi, les sonorités gadget.

    Tradition des Viennois oblige, ce Mozart toujours tranchant et dru, dramatisé et contrasté sait cette fois respirer et s'apaiser. L'air du champagne est seulement très rapide, celui du catalogue relativement bonhomme, le trio des masques se rapproche du tempo giusto, Mi tradì évolue en toute souplesse.

    Et si une certaine tendresse, un certain vague-à-l'âme sont encore un peu expédiés, du moins Harding sait-il maintenant dessiner une trajectoire et engendrer de vrais moments saisissants ? le récitatif introductif de Non mi dir ; une scène finale d'une tension continue, ponctuée d'impitoyables coups de boutoir.

    Les Wiener Philharmoniker, peu rompus à cette approche, affichent quelques approximations et une sonorité de cordes plus écorchée que de coutume, mais savent aussi à travers des vents évocateurs rétablir un équilibre salutaire – la flûte de Dieter Flury notamment. Cela reste toutefois bien peu pour le plus prestigieux des festivals internationaux.




    GroĂźes Festspielhaus, Salzburg
    Le 18/08/2006
    Yannick MILLON

    Reprise du Don Giovanni de Mozart mis en scène par Martin Kušej, sous la direction de Daniel Harding au festival de Salzbourg 2006.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Don Giovanni, dramma giocoso en deux actes, K. 527 (1787)
    Livret de Lorenzo Da Ponte

    Konzertvereinigung Wiener Staatsopernchor
    Wiener Philharmoniker
    direction : Daniel Harding
    mise en scène : Martin Ku?ej
    décors : Martin Zehetgruber
    costumes : Heide Kastler
    Ă©clairages : Reinhard Traub
    préparation des choeurs : Thomas Lang

    Avec :
    Thomas Hampson (Don Giovanni), Ildebrando D'Arcangelo (Leporello), Christine Schäfer (Donna Anna), Michaela Kaune (Donna Elvira), Isabel Bayrakdarian (Zerlina), Piotr Beczala (Don Ottavio), Luca Pisaroni (Masetto), Robert Lloyd (Il Commendatore).

     


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