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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production de Siegfried de Wagner mise en scène par Tankred Dorst et sous la direction de Christian Thielemann au festival de Bayreuth 2006.

Bayreuth 2006 (5) :
Ă€ meilleure Ă©cole

© Jörg Schulze / Bayreuther Festspiele GmbH

Nettement plus prenant au niveau scénique que les deux premiers volets, ce Siegfried du Ring de Tankred Dorst à Bayreuth offre enfin une vie théâtrale à même de servir le livret de Wagner, dans une scénographie toujours exemplaire malgré un plateau encore particulièrement médiocre, jusqu'à contaminer au troisième acte la direction de Christian Thielemann.
 

Festspielhaus, Bayreuth
Le 25/08/2006
Yannick MILLON
 



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  • Enfin ! Il aura fallu attendre ce Siegfried pour vivre l'expĂ©rience du théâtre dans ce nouveau Ring de Bayreuth Ă  la scĂ©nographie toujours aussi remarquable. Car ce soir, mĂŞme si le duo d'amour du III voit les amants une fois de plus livrĂ©s Ă  eux-mĂŞmes, la direction d'acteurs existe, doublĂ©e de quelques idĂ©es intĂ©ressantes quoique jamais rĂ©volutionnaires.

    Au coeur d'une forêt entrevue à travers les fenêtres, le premier acte est situé dans une salle de classe, lieu de l'acquisition besogneuse de la connaissance qui rebute tant Siegfried, avec tout l'attirail nécessaire, du tableau noir au pupitre d'écolier, du bureau de maître Mime à son laboratoire. Le parti-pris fonctionne à la fois dans l'esprit du roman d'apprentissage, et dans la pertinence de la scénographie pour le double interrogatoire Mime-Wanderer.

    Une fois Notung reforgée, Siegfried peut saccager les livres et se lancer à l'assaut d'une vraie aventure, libéré d'un père adoptif professoral, en brisant en deux le globe terrestre que celui-ci serre contre lui comme une métaphore du monde sur lequel il s'imagine prochainement régner. Le héros est tout ensemble infantile – le petit jeu de l'ignition auquel il se livre hilare avec un barreau de son ancien berceau – et rustre à souhait – la tentative de cirer ses chaussures avec le Tarnhelm dont il ignore l'usage.

    Le deuxième acte retrouve quant à lui la thématique chère à Harry Kupfer de la nature violée, avec cette forêt d'arbres tronçonnés que surplombe une autoroute en construction, avant le combat contre le dragon niché au fond d'une faille aux rougeurs volcaniques du plus bel effet. De même, on reste soufflé par les sublimes éclairages bleutés d'Ulrich Niepel dans la confrontation entre le Wanderer et Erda au III.

    © Jochen Quast / Bayreuther Festspiele GmbH

    Le Mime de Gerhard Siegel est excellent, sans les couinements habituels mais avec une vigueur dans le timbre, une émission percutante qui laissent filtrer ses funestes desseins ; des qualités qui semblent souvent manquer à Stephen Gould, Siegfried de belle ligne, sans vociférations mais trop inégal – un médium gris, insuffisamment projeté, souvent mangé par l'orchestre. La couleur un peu sombre, les délicatesses de ce Tannhäuser idéal ne sont certes pas sans charme, mais l'Américain dispense un chant un rien souffreteux, en contradiction avec son physique de bûcheron.

    Linda Watson reste un monument d'indifférence, de placidité, une Brünnhilde molle encore passablement assoupie au tomber de rideau dont les vilains aigus plafonnent et vrillent toujours autant. Nettement plus présent, Falk Struckmann déchaîne sa noirceur et sa morgue dans l'évocation de la splendeur du Walhalla et reste l'un des seuls chanteurs de ce Ring à avoir une authentique carrure wagnérienne, même si ce soir les inhumaines séries d'aigu du Wanderer le voient un rien en péril sur les notes les plus tendues.

    Impossible à percevoir comme la face obscure de Wotan, Andrew Shore demeure un Alberich trop clair, dont l'aigu ouvert ruine toute crédibilité. Mihoko Fujimura est une Erda à zéro pour cent de matière grave qui respire tous les deux mots, Jyrki Korhonen un Fafner dont l'émission confidentielle ne risque pas d'enseigner la peur à Siegfried, Robin Johanssen un Oiseau correct.

    Lecture orchestrale sans acuité

    La direction de Christian Thielemann continue d'impressionner par la mobilité de son agogique, la pertinence de ses intentions – l'évocation des conditions de la mort de Sieglinde, les Murmures de la forêt, superbes – mais sa battue, sans pourtant manquer d'élan dans le flot musical, engendre une pâte sonore sans alacrité, sans véritable acuité dans les timbres, et qui à trop flatter l'oreille l'anesthésie – les emballements du duo au III, aux cordes terriblement lisses, des cuivres rondouillards qui ne cuivrent jamais, des grondements orchestraux trop souterrains, comme atténués par la coque de la fosse.




    Festspielhaus, Bayreuth
    Le 25/08/2006
    Yannick MILLON

    Nouvelle production de Siegfried de Wagner mise en scène par Tankred Dorst et sous la direction de Christian Thielemann au festival de Bayreuth 2006.
    Richard Wagner (1813-1883)
    Siegfried, deuxième journée du festival scénique Der Ring des Nibelungen (1876)
    Livret du compositeur

    Orchestre du Festival de Bayreuth
    direction : Christian Thielemann
    mise en scène : Tankred Dorst
    décors : Frank Philipp Schlössmann
    costumes : Bernd Skodzig
    Ă©clairages : Ulrich Niepel

    Avec :
    Stephen Gould (Siegfried), Gerhard Siegel (Mime), Falk Struckmann (Der Wanderer), Andrew Shore (Alberich), Jyrki Korhonen (Fafner), Mihoko Fujimura (Erda), Linda Watson (BrĂĽnnhilde), Robin Johannsen (Stimme des Waldvogels).

     


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