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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Siegfried de Wagner mise en scène par Tankred Dorst et sous la direction de Christian Thielemann au festival de Bayreuth 2006.
Bayreuth 2006 (5) :
Ă€ meilleure Ă©cole
Nettement plus prenant au niveau scénique que les deux premiers volets, ce Siegfried du Ring de Tankred Dorst à Bayreuth offre enfin une vie théâtrale à même de servir le livret de Wagner, dans une scénographie toujours exemplaire malgré un plateau encore particulièrement médiocre, jusqu'à contaminer au troisième acte la direction de Christian Thielemann.
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Enfin ! Il aura fallu attendre ce Siegfried pour vivre l'expérience du théâtre dans ce nouveau Ring de Bayreuth à la scénographie toujours aussi remarquable. Car ce soir, même si le duo d'amour du III voit les amants une fois de plus livrés à eux-mêmes, la direction d'acteurs existe, doublée de quelques idées intéressantes quoique jamais révolutionnaires.
Au coeur d'une forêt entrevue à travers les fenêtres, le premier acte est situé dans une salle de classe, lieu de l'acquisition besogneuse de la connaissance qui rebute tant Siegfried, avec tout l'attirail nécessaire, du tableau noir au pupitre d'écolier, du bureau de maître Mime à son laboratoire. Le parti-pris fonctionne à la fois dans l'esprit du roman d'apprentissage, et dans la pertinence de la scénographie pour le double interrogatoire Mime-Wanderer.
Une fois Notung reforgée, Siegfried peut saccager les livres et se lancer à l'assaut d'une vraie aventure, libéré d'un père adoptif professoral, en brisant en deux le globe terrestre que celui-ci serre contre lui comme une métaphore du monde sur lequel il s'imagine prochainement régner. Le héros est tout ensemble infantile – le petit jeu de l'ignition auquel il se livre hilare avec un barreau de son ancien berceau – et rustre à souhait – la tentative de cirer ses chaussures avec le Tarnhelm dont il ignore l'usage.
Le deuxième acte retrouve quant à lui la thématique chère à Harry Kupfer de la nature violée, avec cette forêt d'arbres tronçonnés que surplombe une autoroute en construction, avant le combat contre le dragon niché au fond d'une faille aux rougeurs volcaniques du plus bel effet. De même, on reste soufflé par les sublimes éclairages bleutés d'Ulrich Niepel dans la confrontation entre le Wanderer et Erda au III.
Le Mime de Gerhard Siegel est excellent, sans les couinements habituels mais avec une vigueur dans le timbre, une émission percutante qui laissent filtrer ses funestes desseins ; des qualités qui semblent souvent manquer à Stephen Gould, Siegfried de belle ligne, sans vociférations mais trop inégal – un médium gris, insuffisamment projeté, souvent mangé par l'orchestre. La couleur un peu sombre, les délicatesses de ce Tannhäuser idéal ne sont certes pas sans charme, mais l'Américain dispense un chant un rien souffreteux, en contradiction avec son physique de bûcheron.
Linda Watson reste un monument d'indifférence, de placidité, une Brünnhilde molle encore passablement assoupie au tomber de rideau dont les vilains aigus plafonnent et vrillent toujours autant. Nettement plus présent, Falk Struckmann déchaîne sa noirceur et sa morgue dans l'évocation de la splendeur du Walhalla et reste l'un des seuls chanteurs de ce Ring à avoir une authentique carrure wagnérienne, même si ce soir les inhumaines séries d'aigu du Wanderer le voient un rien en péril sur les notes les plus tendues.
Impossible à percevoir comme la face obscure de Wotan, Andrew Shore demeure un Alberich trop clair, dont l'aigu ouvert ruine toute crédibilité. Mihoko Fujimura est une Erda à zéro pour cent de matière grave qui respire tous les deux mots, Jyrki Korhonen un Fafner dont l'émission confidentielle ne risque pas d'enseigner la peur à Siegfried, Robin Johanssen un Oiseau correct.
Lecture orchestrale sans acuité
La direction de Christian Thielemann continue d'impressionner par la mobilité de son agogique, la pertinence de ses intentions – l'évocation des conditions de la mort de Sieglinde, les Murmures de la forêt, superbes – mais sa battue, sans pourtant manquer d'élan dans le flot musical, engendre une pâte sonore sans alacrité, sans véritable acuité dans les timbres, et qui à trop flatter l'oreille l'anesthésie – les emballements du duo au III, aux cordes terriblement lisses, des cuivres rondouillards qui ne cuivrent jamais, des grondements orchestraux trop souterrains, comme atténués par la coque de la fosse.
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