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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Reprise de la Clémence de Titus de Mozart dans la mise en scène d'Ursel et Karl-Ernst Herrmann et sous la direction de Gustav Kuhn à l'Opéra de Paris.
Une Clémence de trop
Elina Garanča (Sextus)
Avec leur production de la Clémence de Titus, les époux Herrmann ont sans doute autant fait pour la mise en scène lyrique que pour la réhabilitation de l'oeuvre elle-même. D'un pouvoir de fascination intact lors de sa création parisienne en mai 2005, ce classique du théâtre mozartien survivra-t-il à cette reprise de trop ?
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Complicité artistique
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Créée au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles en juin 1982, et marquant les débuts de la fructueuse collaboration entre Gerard Mortier, Sylvain Cambreling et les époux Herrmann, cette Clémence de Titus demeure aujourd'hui encore emblématique de la conception révolutionnaire – radicalisée avec le temps, parfois jusqu'à la caricature – qu'a l'actuel directeur de l'Opéra de Paris du théâtre lyrique mozartien.
Après Salzbourg, Gerard Mortier se devait donc d'importer cette production manifeste dès sa première saison parisienne : vingt-trois ans plus tard, les parois immaculées, les références picturales et théâtrales – l'ombre insaisissable de Kleist, plus encore que celle de Schiller, rôde ici sans cesse – de cette mise en scène désormais mythique n'avaient rien perdu de leur pouvoir de fascination.
Avec sa distribution insuffisamment renouvelée, la présente reprise n'en est malheureusement que le pâle reflet. D'autant que Gustav Kuhn, déjà en charge des reprises salzbourgeoises, étire, englue, détend l'arc dramatique – le Finale apocalyptique du premier acte n'aura sans doute jamais semblé si statique, sinon ennuyeux.
Pourtant, Vitellia innée par la stature, la couleur, le mordant, Anna Caterina Antonacci brûle les planches, garce vipérine et manipulatrice ne souriant que par calcul. Mais comme à Genève au printemps, la soprano italienne ne sait comment surmonter les écueils du crucifiant trio Vengo
aspettate
Sesto ! Dès lors, l'aigu devient rebelle, et la ligne d'un Non più di fiori pourtant inspiré, et posé sur un grave de velours, ne peut que pâtir d'un vibrato de plus en plus chaotique.
Pourtant, Sesto surdouĂ©, Elina Garanča est physiquement et vocalement somptueuse. Mais par-delĂ l'aigu glorieux, le legato onctueux, la souplesse de la palette dynamique, et l'Ă©vidence de la vocalise, la jeune mezzo lettone ne peut prĂ©tendre, notamment faute d'une diction plus percutante, Ă ce constant dĂ©sĂ©quilibre qui rendait la composition de Susan Graham vertigineuse.
Et puis, à l'exception de la Servilia toujours craquante et surtout délicieusement chantante d'Ekaterina Siurina, le reste de la distribution ne méritait pas d'être reconduit. Belle actrice, Hannah Esther Minutillo est un Annio moins tendu, mais plus quelconque qu'en 2005, tandis que Roland Bracht, poussif et rêche, demeure un Publio hors-sujet.
Un Titus au bord de la rupture
Surtout, Christoph Prégardien livre une bien triste prestation, malgré une plus grande maîtrise de son personnage. Nasale et chevrotante, la voix menace à tout instant de rompre, lui interdisant toute nuance comme tout legato. Réfugié dans le parlando, le ténor allemand se voit contraint de contourner l'intonation, la mesure, le style même. Un comble pour ce Liedersänger et cet évangéliste d'exception.
Faute d'une exécution musicale plus satisfaisante, le cube suffocant de blancheur des Herrmann s'en trouve réduit à l'écrin un peu froid de cette reprise de trop.
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