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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Nikolaus Harnoncourt au festival de Lucerne 2006.
Lucerne 2006 (4) :
L'expérience Harnoncourt
Inoubliable soirée que cette lecture des trois dernières symphonies mozartiennes sous la houlette d'un Nikolaus Harnoncourt inspiré comme jamais, livrant l'aboutissement d'une vie de recherches musicologiques, d'interrogations stylistiques. Un concert béni des dieux et porté de bout en bout par des Wiener Philharmoniker en état de grâce.
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Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern
Le 09/09/2006
Yannick MILLON
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Il est des concerts où dès le premier accord, dès la première attaque de l'orchestre, on pressent que l'on va vivre une expérience musicale qu'aucun incident ne saurait perturber. C'est un événement de ce type que Lucerne proposait ce samedi, en forme de séance de rattrapage pour celles et ceux qui comme nous, occupés à d'autres transes musicales en août, auraient manqué ces trois dernières symphonies de Mozart à Salzbourg.
Afin de préparer au mieux ce copieux programme, Nikolaus Harnoncourt a d'ailleurs préféré abréger sa présence en fosse dans la ville natale de Mozart, où il dirigeait cet été les Noces de Figaro et la Clémence de Titus. Comme il l'explique dans un court préambule, le fondateur du Concentus conçoit ces trois dernières symphonies sinon comme un véritable triptyque, du moins comme un ensemble tissé de liens motiviques, agogiques et formels, au sein duquel la 41e symphonie serait un oratorio sans paroles, terminé par un Alleluia – les valeurs longues du thème de fugue.
On comprend d'autant mieux quel degré d'achèvement revêt cette exécution qui sonne comme l'aboutissement d'une vie de questionnement et de recherches. On a toujours connu les Mozart d'Harnoncourt acérés, dramatisés, théâtralisés à l'extrême – l'introduction lente de la 39e, le Molto allegro liminaire de la 40e – mais le chef autrichien semble avoir acquis depuis peu un élément qui lui faisait souvent défaut autrefois : la grandeur.
Aussi l'ampleur, la hauteur de vue, la retenue du tempo confère-t-elle au premier mouvement de la Jupiter des allures pré-brucknériennes, tandis que l'écheveau contrapuntique du Finale est toujours démêlé de main de maître, avec une absolue clarté polyphonique, avec également ce sens de la montée en puissance, de la péroraison sans effet qui sont l'apanage des plus grands.
Et constamment ce soin maniaque à débusquer le malaise, à souligner chaque ébauche d'état d'âme, de tourment, bref, chaque élément qui fait que Mozart est tout sauf un compositeur sans histoire. Et aussi cette intelligence dans la caractérisation des menuets – fortement scandés à un temps – et des trios – légèrement tangués à la viennoise, dans un tempo plus détendu –, cette aptitude à déployer une ligne de chant intense dans un cadre rythmique très soutenu, cette prodigieuse architecture des mouvements lents, d'une intériorité, d'un dramatisme soudain à pleurer.
Un orchestre galvanisé
Les Viennois, galvanisés par cette battue, se livrent avec une plénitude, un sens de la grâce, une excellence dans la sonorité qui ne sont qu'à eux – une flûte littéralement enchantée, un hautbois délicieusement coloré, deux cors caméléons, des timbales et trompettes incisives, des cordes en apesanteur. On ressort du KKL avec l'impression que le chef et l'orchestre, comme retirés du monde, viennent de livrer le fruit de plusieurs mois de travail acharné.
Ce chef inclassable et atypique, qui a le don de déranger chaque fois qu'il empoigne une partition, ce musicien qui comme s'en plaignait récemment le lecteur d'un célèbre mensuel, « rend désagréables les plus belles musiques », reste l'un des interprètes majeurs de notre temps, de ceux qui ont le génie de ne rien laisser au hasard et de toujours mettre en doute, avec des moyens à l'avenant, ces certitudes qui ne sont bien souvent que le fruit de l'avachissement intellectuel.
Il n'était en tout cas qu'un trublion comme Harnoncourt pour faire vivre pareille expérience mozartienne en cette année où la qualité des commémorations ne l'aura rarement disputé à leur quantité.
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Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern Le 09/09/2006 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre philharmonique de Vienne sous la direction de Nikolaus Harnoncourt au festival de Lucerne 2006. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Symphonie n° 39 en mib majeur, K. 543 (1788)
Symphonie n° 40 en sol mineur, K. 550 (1788)
(Version avec clarinettes)
Symphonie n° 41 en ut majeur K. 551, « Jupiter » (1788)
Wiener Philharmoniker
direction : Nikolaus Harnoncourt | |
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