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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de Salomé de Strauss dans la mise en scène de Lev Dodin, sous la direction d'Hartmut Haenchen à l'Opéra de Paris.
Une grande Salomé peut en cacher une autre
Catherine Naglestad (Salomé)
Splendide prise de rôle que cette première Salomé de Catherine Naglestad à l'Opéra de Paris, où elle succède à Karita Mattila avec la même incandescence. Excellente réussite du reste que cette reprise très bien distribuée et dirigée avec une violence crue par Hartmut Haenchen. Seule la mise en scène paraît bien fade en revoyant le spectacle.
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C'est un véritable tour de force que réalise ce soir à la Bastille Catherine Naglestad pour sa première Salomé, dans la mise en scène où avait également triomphé pour sa prise de rôle l'incandescente Karita Mattila. Avec des moyens et un format plus modestes que la Finlandaise, l'Américaine est une princesse de Judée lucide et détachée dont la voix, loin des grands sopranos dramatiques, parvient pourtant toujours à se faire entendre au-dessus du déferlement orchestral, avec de surcroît une subtilité, une justesse d'intentions remarquable dans les passages mezza-voce.
Le timbre, corsé et sombre, avec ce je ne sais quoi de Christel Goltz – et la même diction parfois floue –, la couleur, très travaillée même si sans doute pas la plus belle du monde, cette voix de poitrine un peu légère qui laisse filtrer que la soprano a été élevée à Mozart, un aigu admirablement dardé, notamment dans les derniers instants, nourrissent une Salomé jeune et volontaire, passant d'une relative prudence à une vocalité chauffée à blanc pour le long monologue terminal.
Le reste du plateau ne démérite pas, entre l'Hérode complètement ravagé de Chris Merritt, dont la fêlure du timbre est aujourd'hui plus accusée mais dont l'incarnation au bord de la folie, parfois jusqu'au pitoyable, reste très forte, l'Hérodiade infecte de Jane Henschel, vibrato hystérique et perversité répugnante, instrument beaucoup moins abîmé que chez une Silja, et le Narraboth belcantiste, très châtié et soigné, en un sens mozartien – ce qui est loin d'être un contresens – de Tomislav Mužek.
Reste le Iokanaan d'Evgeny Nikitin, voix étonnamment peu russe, avec ce timbre clair, cette émission qui n'a pas peur de l'ouverture, cette projection haute et dans le masque. Voilà en tout cas une grande voix, qui gagnerait toutefois à affiner son allemand – l'exagération des consonnes –, l'homogénéité de ses aigus – tous puissants mais émis de manière imprévisible – et sa tenue en scène – un prophète trop débraillé, presque en rut.
Une direction analytique et anguleuse
Excellente surprise en fosse que la lecture implacable et anguleuse d'Hartmut Haenchen, qui risque pourtant de frustrer les amateurs de hammam sonore et de sensualité exacerbée. Mais le geste analytique, l'attention perpétuelle à l'acuité des timbres, l'exposition du drame en lumière saturée produisent une lecture au scalpel explorant une optique tout à fait possible. L'Orchestre de l'Opéra sonne avec beaucoup de présence, sans toutefois écraser le plateau, et le chef allemand réserve quelques éruptions impressionnantes – la percussion –, préfigurant largement la violence d'Elektra et imprimant à la partition une tension continue.
La mise en scène de Dodin, classique à la manière traditionnelle du Met, paraît en revanche bien médiocre en revoyant le spectacle. Les décors ne sont pas en cause, mais les costumes restent d'un goût pour le moins discutable – le peignoir du premier Nazaréen – et la direction d'acteurs standard, avec ces tics opératiques, ces attitudes surjouées – un Iokanaan remuant, que l'on aimerait voir cloué aux barreaux de sa cage –, cet art théâtral si peu théâtral que l'on sert sur la plupart des scènes lyriques depuis des lustres. Rien de fatal ni d'insoutenable, mais un travail finalement bien peu prenant.
Il en fallait sans doute plus pour gâcher une soirée où les forces musicales raflent la mise, ce qui n'est déjà pas rien à une époque où il est devenu difficile de réunir autant d'excellence sur un même plateau.
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Opéra Bastille, Paris Le 18/09/2006 Yannick MILLON |
| Reprise de Salomé de Strauss dans la mise en scène de Lev Dodin, sous la direction d'Hartmut Haenchen à l'Opéra de Paris. | Richard Strauss (1864-1949)
Salome, drame lyrique en un acte
Livret français d'Oscar Wilde, traduit en allemand par Hedwig Lachmann
Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Hartmut Haenchen
mise en scène : Lev Dodin
décors et costumes : David Borovsky
Ă©clairages : Jean Kalman
chorégraphie : Jourii Vassilkov
Avec :
Catherine Naglestad (Salome), Chris Merritt (Herodes), Jane Henschel (Herodias), Evgeny Nikitin (Jochanaan), Tomislav Mužek (Narraboth), Ulrike Mayer (Page der Herodias), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Erster Jude), Eric Huchet (Zweiter Jude), Mihajlo Arsenski (Dritter Jude), Andreas Jäggi (Vierter Jude), Yuri Kissin (Fünfter Jude), Ilya Bannik (Erster Nazarener), Paul Gay (Zweiter Nazarener), Friedemann Röhlig (Erster Soldat), Scott Wilde (Zweiter Soldat), Ugo Rabec (Ein Cappadocier), Grzegorz Staskiewicz (Ein Sklave). | |
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