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CRITIQUES DE CONCERTS 30 octobre 2024

Concert Mozart avec les English Baroque Soloists et le Monteverdi Choir dirigés par John Eliot Gardiner à la salle Pleyel, Paris.

Gardiner fête Mozart

Contesté lors de ses premiers essais, le Mozart de Gardiner coule aujourd'hui de source. À la tête de formations exceptionnelles, le chef britannique parvient à égayer ce 250e anniversaire souvent trop morose grâce à la mise en espace réjouissante de Stephen Medcalf et à une équipe de chanteurs où prévaut l'esprit de troupe.
 

Salle Pleyel, Paris
Le 14/10/2006
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Parce que nul n'oserait plus contester l'autorité de John Eliot Gardiner, on oublierait presque que ses Mozart furent, il y a quinze ans à peine, vivement critiqués, ne serait-ce que parce qu'il y osait, sacrilège, des ornements de la ligne vocale. Sans doute fallait-il laisser aux auditeurs « le temps de [les] mâcher Â» comme aurait répondu le compositeur, d'après l'anecdote rapportée par le musicographe Johann-Friedrich Rochlitz, à la remarque de Joseph II selon laquelle Don Giovanni « n'aurait pas été un plat pour les dents de [ses] viennois Â».

    Car Gardiner dans Mozart aujourd'hui triomphe, à tel point que ses interprétations pourraient prétendre, au même titre que celles de Böhm, dans une perspective évidemment différente, au rang de classiques, alors même qu'un Harnoncourt, pionnier en dépoussiérages mozartiens, suscite encore l'étonnement, voire l'effroi, par ses lectures sans cesse renouvelées et toujours déroutantes.

    S'il semble ne plus chercher, le chef britannique n'en incarne pas moins un esprit, une vivacité assurément mûris qui transparaissent à chaque instant dans les extraits des sept opéras de la maturité proposés à la salle Pleyel. Car conçu avec une intelligence, une finesse rare le programme évite l'écueil de la succession amidonnée d'airs archi-rebattus : Gardiner a opté pour des ensembles qui s'enchaînent avec une étonnante fluidité, démontrant, s'il en était encore besoin, à quel point Mozart a assimilé des genres aussi divers que l'opera seria, l'opera buffa, et le Singspiel à son style propre.

    Sans toujours prétendre replacer ces morceaux choisis dans leur contexte théâtral originel, la mise en espace bon enfant de Stephan Medcalf – le même esprit régnait dans le Falstaff dirigé par Gardiner au Châtelet en 2001 – accentue cette vivacité par une utilisation virtuose de l'espace et des éclairages, dont tous les spectateurs n'auront malheureusement pu profiter, bannissant toute métaphysique et n'hésitant pas à forcer le trait, mais avec quelle fantaisie, pour abolir le rituel du concert.

    Les membres du Monteverdi Choir prennent un plaisir manifeste à courir dans tous les sens, sans que cela ne nuise à une sonorité, une précision, une articulation proprement prodigieuses. Scintillants et poétiques, les English Baroque Soloists sont à l'avenant.

    Comme pour ses enregistrements, Gardiner a fait appel à de jeunes chanteurs plutôt que d'aligner les stars, constituant une véritable troupe où nul n'est exceptionnel. Se distinguent néanmoins Kurt Streit, qui domine de sa haute stature physique et vocale le finale du deuxième acte d'Idoménée, la Despina très en verve de Patrizia Biccirè, le Figaro et le Leporello souples et prometteurs de Kyle Ketelson, le virevoltant Christopher Maltman, bien meilleur acteur que chanteur, et l'exquise Camilla Tilling, naviguant avec une convaincante versatilité de Vitellia à Fiordiligi – mais aussi Dorabella, puisque le chef profite de la proximité de leurs timbres pour partager Smanie implacabili entre les deux soeurs – et Susanna, passé un Ach, ich fühl's, certes pas le plus aisé des tours de chauffe, un rien crispé.

    Le reste du plateau est insuffisant, voire médiocre – Lina Markeby, totalement dépassée par le redoutable récitatif accompagné de Sextus –, mais une fois encore, l'esprit de troupe prévaut, et confère à cette soirée un caractère festif trop rare en cette année commémorative.




    Salle Pleyel, Paris
    Le 14/10/2006
    Mehdi MAHDAVI

    Concert Mozart avec les English Baroque Soloists et le Monteverdi Choir dirigés par John Eliot Gardiner à la salle Pleyel, Paris.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Extraits de Idomeneo, Die Entführung aus dem Serail, Die Zauberflöte, La Clemenza di Tito, Così fan tutte, Le Nozze di Figaro et Don Giovanni.

    Anna Chierichetti, Patrizia Biccirè, Elin Manahan Thomas, Camilla Tilling, sopranos
    Lina Markeby, Anna Mason, mezzo-sopranos
    Kurt Streit, Nicholas Watts, ténors
    Christopher Maltman, baryton
    Kyle Ketelson, baryton-basse
    Matthew Brook, Julian Clarkson, Brindley Sherratt, basses

    Monteverdi Choir
    The English Baroque Soloists
    direction : John Eliot Gardiner

     


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