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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Troisième concert de la Staatskapelle Berlin sous la direction de Daniel Barenboïm, avec la participation du pianiste Radu Lupu dans le cadre de Piano**** au Théâtre du Châtelet, Paris.

Résignation sereine
© D.R.

Point final à la série de concerts de la Staatskapelle Berlin sous la direction de Daniel Barenboïm au Théâtre du Châtelet, avec pour cette troisième soirée le toucher pianistique infiniment subtil de Radu Lupu et une 9e symphonie de Mahler inégale mais conclue dans un magnifique apaisement.
 

Théatre du Châtelet, Paris
Le 25/10/2006
Yannick MILLON
 



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  • Fascinante personnalité que celle de Radu Lupu ! Plus les années passent, plus ce toucher délicat entre tous tend à se dépouiller, quel que soit le répertoire abordé. Le pianiste roumain aime à prendre son temps, celui de faire chanter l'instrument, de laisser au son toute latitude pour s'épanouir. Calé bien au fond d'une simple chaise, au plus près du clavier, il semble d'emblée coupé du monde, grognant, chantonnant pour soi, comme abîmé dans une intense contemplation.

    Dès lors, le concerto de Schumann n'est plus que le prétexte à une rêverie infinie. Difficile de résister à pareil voyage poétique, où ce piano à l'amour triste sait convaincre malgré toutes les licences stylistiques ; car ce Schumann qui se veut nettement plus le petit frère de Schubert que celui de Liszt manque à l'évidence de sève, d'élan romantique, de fermeté aussi.

    Qu'importe. Lupu n'a sans doute jamais eu un toucher aussi miraculeux, à fleur de clavier, au détriment d'une virtuosité limitée, contraignant à des tempi très lents, particulièrement dans le premier mouvement. Et si ce piano épuré réussit toujours à capter l'attention, l'ossature orchestrale dessinée par Barenboïm, elle, semble atteinte d'ostéoporose : attaques molles, accords toujours émoussés, absence d'un véritable soutien, manque d'énergie pour propulser ce piano quasi autiste.

    Après l'entracte, changement de décor avec une 9e symphonie de Mahler autrement cursive. Barenboïm y défend une avancée qui refuse toute sculpture architecturale, lui préférant l'urgence, la réactivité dans l'instant, la flexibilité de l'agogique. La Staatskapelle Berlin a ce professionnalisme palpable des formations d'outre-Rhin, une tenue offrant quelques timbres de la plus belle facture, dont une flûte, un piccolo parmi les plus magnifiques entendus récemment.

    Et si les forces berlinoises semblent un peu fragiles ce soir, comment ne pas noter que la gestique si personnelle, rarement très efficace – les départs, brouillons, l'incapacité à tenir l'orchestre dans les mesures à un temps –, la nervosité du chef sur son podium en sont sans doute les principaux responsables ? Car le dérapage n'est jamais loin : à l'arrivée en gare du troisième thème du Scherzo, le train Barenboïm oublie presque de s'arrêter, provoquant un beau cafouillage ; dans les grands développements des mouvements centraux, le capitaine du navire semble ne plus maîtriser son gouvernail, laissant filer l'orchestre sans hiérarchiser les plans sonores.

    Accomplissement dans la seule raréfaction

    En revanche, à chaque fois que la texture perd de la densité, le tempo se distend, la matière s'étale à l'infini. À l'évidence, comme Lupu en première partie, Barenboïm est nettement plus à son affaire dans la raréfaction, dans les passages apaisés, et distille une fin de premier mouvement de toute beauté, un Adagio terminal lyrique sans excès, où les crescendi, parfaitement conduits, sont autant de mouvements de l'âme, où l'Adagissimo s'élève au firmament d'une nuit sans étoiles, avec ces cordes au vibrato minimal qui lentement expirent comme un seul homme, entrecoupant des silences de plus en plus chargés dans le pianissimo le plus éthéré qui soit.

    La résignation sereine dans toute sa grandeur, après maints démêlés mahlériens.




    Théatre du Châtelet, Paris
    Le 25/10/2006
    Yannick MILLON

    Troisième concert de la Staatskapelle Berlin sous la direction de Daniel Barenboïm, avec la participation du pianiste Radu Lupu dans le cadre de Piano**** au Théâtre du Châtelet, Paris.
    Robert Schumann (1810-1856)
    Concerto pour piano en la mineur, op. 54
    Radu Lupu, piano

    Gustav Mahler (1860-1911)
    Symphonie n° 9 en ré majeur

    Staatskapelle Berlin
    direction : Daniel Barenboïm

     


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