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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Roméo et Juliette de Berlioz par l'Orchestre national de France sous la direction de Sir Colin Davis au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
La pleine maturité
Superbe illustration de la maturité artistique de Sir Colin Davis que ce Roméo et Juliette du TCE qui réussit au point de vue instrumental la quadrature du cercle, entre la battue toujours inspirée du chef britannique et la superbe tenue de l'Orchestre national de France. Comme souvent, ce sont les forces vocales, peu idiomatiques, qui déçoivent.
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Après une prestation disparate la saison passée, Sir Colin Davis est de retour à la tête du National au Théâtre des Champs-Élysées, pour livrer cette fois un Roméo et Juliette de Berlioz de haut vol, traversé d'un jaillissement lumineux continu, mené par une battue toujours aussi experte mais arrivée à pleine maturité, infiniment plus exaltée que dans les années 1970.
Ce soir, sans avoir perdu en clarté analytique, en plénitude classique, Sir Colin ne freine aucun élan, ne pondère aucun fortissimo, tout en soignant toujours autant les épisodes plus tendres ou apaisés. Pas plus d'hystérie convulsive que d'avachissement routinier dans ce Berlioz aux angles beaucoup plus saillants qu'autrefois, désormais servi à point – une Scène d'amour où une vraie énergie intérieure, souterraine, qui laisse échapper une intense passion sous-jacente, le dispute aux bruissements nocturnes ; une Grande Fête chez Capulet bouillonnante mais sans excentricités.
Complice de la réussite de ce Roméo, le National apparaît sous son meilleur jour : ductile, précis, coloré, remarquable d'éventail dynamique, de fluidité dans les soli – le hautbois de Roméo, la clarinette de Juliette – de finesse dans les dosages instrumentaux – un Scherzo de la Reine Mab suprêmement équilibré. Et tout du long, cette incomparable science de la sonorité française – les cuivres, fins et puissants, toujours très clairs.
Malheureusement, la symphonie dramatique de Berlioz comporte aussi des parties chantées, servies nettement plus chichement. Isabelle Cals, dont le français est pourtant l'idiome maternel, n'est que diction floue, voyelles truquées. Petite voix plutôt jolie, elle sacrifie ses strophes à une funeste verticalisation de l'émission. De timbre pointu juste comme il faut, d'accent exotique quoique intelligible, Pavol Breslik presse beaucoup dans le Scherzetto, et finit par se prendre la langue dans le débit du texte.
Malgré une émission parfois engorgée, Kyle Ketelsen offre un français nettement plus idiomatique que celui de ses collègues, et s'avère d'une belle éloquence, sans toutefois en rajouter dans la pompe toute napoléonienne du serment de Frère Laurent. Les choeurs de Radio France, inégaux et dépareillés par des sopranos fatiguées, avalent quant à eux le livret d'Émile Deschamps sans parvenir à se faire comprendre.
Toujours est-il que ce soir, la battue de Davis colmate les brèches et absorbe les lacunes vocales sans coup férir, véritable triomphatrice d'une soirée berliozienne somme toute d'exception.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 26/10/2006 Yannick MILLON |
| Roméo et Juliette de Berlioz par l'Orchestre national de France sous la direction de Sir Colin Davis au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Hector Berlioz (1803-1869)
Roméo et Juliette, symphonie dramatique op. 17 (1839)
Livret d'Émile Deschamps d'après le drame de Shakespeare
Isabelle Cals, soprano
Pavol Breslik, ténor
Kyle Ketelsen, basse
Choeurs de Radio France
direction : Martino Faggiani
Orchestre national de France
direction : Sir Colin Davis | |
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