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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Lohengrin de Wagner mise en scène par Nikolaus Lehnhoff et sous la direction de Lothar Koenigs à l'Opéra de Lyon.
Atout choeur
Solide Lohengrin que celui présenté par l'Opéra de Lyon en ce début de saison. Malgré des voix aiguës problématiques, une production qui se tient entre la mise en scène fonctionnelle et la belle scénographie de Nikolaus Lehnhoff, la direction de Lothar Koenigs, un plateau de belle tenue et surtout de formidables masses chorales.
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Bons baisers d’Eltsine
Chambre déséquilibrée
RĂ©gal ramiste
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Pour ce nouveau Lohengrin en coproduction avec la Scala et le Festspielhaus de Baden-Baden, Nikolaus Lehnhoff s'est souvenu de son apprentissage auprès de Wieland Wagner à Bayreuth, et a conçu l'espace scénique des actes impairs dans un hémicycle mobile entourant une plate-forme rappelant la boîte à fromage du Neues Bayreuth – lieu du discours, de la tractation, du débat, avec son Héraut en petit porte-parole administratif bien peigné ; lieu aussi au III de la révélation, de l'éclosion de la vérité, à la manière judiciaire.
La conception même des personnages, et notamment du rôle-titre est nettement plus discutable : un héros dégénéré et ridicule évoluant au milieu d'un parterre de militaires de l'époque du réarmement allemand, pseudo-artiste occupé à jouer du piano le soir de ses noces – confusion avec Tannhäuser ? Le deuxième acte reste le plus réussi, avec son immense escalier, son atmosphère nocturne où les forces du mal fomentent leur plan au pied du château d'Anvers. Si la lecture d'ensemble de l'ouvrage peine à s'énoncer de manière claire, la scénographie sert parfaitement le livret.
Excellente recrue à laquelle l'Opéra de Lyon a raison de confier plusieurs ouvrages par saison, Lothar Koenigs est toujours aussi efficace en fosse, jusqu'à effacer les carences habituelles en couleur, en densité de l'orchestre de l'Opéra. Lyrique, allante, toujours attentive à ne pas écraser le plateau, la battue du jeune Allemand ne souffre aucune réserve majeure, sinon qu'on aimerait parfois que les climax embrasent plus la salle.
Le plateau, supérieur dans l'ensemble à ce que peut offrir Bayreuth aujourd'hui, est seulement dépareillé par les voix aiguës. Hugh Smith est un Lohengrin grossier de voix comme d'allure, enchaînant les sons poussés, éructés, dans une incarnation dénuée d'aura surnaturelle comme de la moindre subtilité. Malgré une vraie endurance, la ligne est constamment maltraitée, entre voyelles indistinctes et falsetto de crapaud enroué – le Heil dir du II. Nettement plus subtile dans les intentions, l'Elsa de Gunnel Bohman n'en offre pas moins un timbre sans jeunesse, une incarnation sans grâce, ruinée d'avance par une émission pincée et une intonation constamment trop basse dans le haut-médium.
D'excellentes clefs de fa
Encore en possession de glorieux moyens, le vétéran Hans Sotin est un Roi Heinrich de superbe stature et d'autorité naturelle, dans un allemand toujours évident. Légèrement moins ferme mais ne déméritant jamais, le Héraut de Brett Polegato est le porte-parole idéal d'un monarque imposant autant le respect.
Tom Fox a la juste couleur de Telramund, les moyens et les éclats aussi, et toujours de la personnalité dans le timbre. Tout juste est-il un rien court sur les fa# aigus, les mêmes sur lesquels butent la majorité des barytons-basses. Mais un personnage existe, prenant, pathétique dans sa propension à l'échec, promené ce soir par une Ortrud diabolique. Evelyn Herlitzius mérite les acclamations qui sont réservées à sa princesse médiumnique et vénéneuse, tant le vibrato prononcé, l'émission très accrochée, les graves poitrinés avec l'ardeur d'une possédée conviennent à merveille aux imprécations de la reine païenne.
Mais plus encore que cette belle distribution, on retiendra avant tout la splendeur des choeurs. Nous avons déjà à maintes reprises mentionné l'efficacité, la précision des forces chorales de l'Opéra de Lyon, tellement supérieures à celles de l'Opéra de Paris, mais cette fois, le travail d'Alan Woodbridge mérite la palme d'excellence. À part à Bayreuth, on sera vraiment en peine de trouver aujourd'hui choeurs wagnériens aussi affûtés, précis d'attaque comme d'intonation, millimétrés dans les nuances, et synchronisés avec l'orchestre. Un atout majeur dans un ouvrage très fourni en interventions chorales, malgré la coupure infligée au deuxième acte.
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