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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Ensemble Intercontemporain sous la direction de Pierre Boulez à la Cité de la musique, Paris.
Quarante minutes de dérives
Ce concert que Boulez donnait à la tête de l'Ensemble Intercontemporain confrontait Dérives 2 à des créations de jeunes compositeurs. Si la pièce Réseaux du compositeur allemand Hanspeter Kyburz rappelle l'influence intacte du maître français sur toute une génération, Streets de Bruno Mantovani essaie de faire entendre une voix un peu différente.
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Pierre Boulez s'est toujours montré d'une générosité sans faille en dirigeant les oeuvres de ses jeunes collègues. Ce concert à la Cité de la musique met ainsi en scène trois générations de compositeurs contemporains. Tout d'abord, Hanspeter Kyburz, Allemand né en 1960, que l'on commence à bien connaître en France.
Réseaux pour sextuor, donnés en création mondiale, sont le prolongement d'une pièce ancienne de six minutes. Passionné par la théorie des fractales et influencé ici par les rouleaux d'un peintre japonais du XVe siècle, Kyburz défend une musique extrêmement bien écrite, où chaque instrument parvient à se dégager d'un flux pourtant continu. En ce sens, la pièce est réussie ; le compositeur parvient à incarner une idée abstraite : les instruments interagissent entre eux tout en restant profondément individualisés. Assez aride pour l'oreille, ce travail sur le langage musical s'écoute sans émotion aucune et ces quinze minutes paraissent finalement bien académiques.
La deuxième création incombe à Bruno Mantovani, jeune compositeur français dont l'opéra l'Autre côté créé à Strasbourg en septembre a assis la grandissante renommée. Streets, pour dix musiciens, dresse un stimulant portrait des rues new-yorkaises. La musique d'une incessante activité, qu'il s'agisse d'une harpe – prenant l'espace d'un solo la couleur d'une guitare électrique – ou de l'ensemble, est striée par de jubilatoires coups de caisse claire. Mantovani possède un langage d'une immédiateté rare dans la musique d'aujourd'hui ; pourtant, sa volonté de maintenir coûte que coûte une tension l'amène parfois à du remplissage un peu systématique et lassant. Brillante interprétation de l'Ensemble Intercontemporain toutefois, qui se transforme l'espace d'une pièce en groupe de rock alternatif !
La virtuosité de chacun des musiciens éclate avec plus de force encore dans Dérives 2 de Boulez, qui appartiennent à la production la plus récente du génie de Montbrison. Que retenir de ces quarante minutes de musique ? Boulez écrit une musique de plus en plus prolixe : les instruments s'échangent des motifs, rebondissent, s'indiffèrent dans une furieuse conversation.
Le discours alterne moments touffus où l'auditeur semble perdre pied et passages plus clairs où se dessine un univers frémissant de sensibilité. La délicatesse de l'auteur du Marteau sans maître y apparaît alors avec acuité : les sons semblent s'éveiller et se faner en même temps. Néanmoins, si cet univers reste une influence majeure pour de nombreux compositeurs d'aujourd'hui – Kyburz au premier chef –, il faut bien avouer que ces Dérives restent assez fastidieuses à écouter, et même serties d'un métier incomparable, elles n'offrent qu'un contenu assez anecdotique.
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Cité de la Musique, Paris Le 07/11/2006 Laurent VILAREM |
| Concert de l'Ensemble Intercontemporain sous la direction de Pierre Boulez à la Cité de la musique, Paris. | Hanspeter Kyburz (*1960)
Réseaux pour sextuor instrumental
Création de la nouvelle version
Bruno Mantovani (*1974)
Streets, pour ensemble
Création mondiale
Pierre Boulez (*1925)
Dérives 2, pour onze instruments
Ensemble Intercontemporain
direction : Pierre Boulez | |
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