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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Version de concert d'Acis et Galatée de Haendel sous la direction de Robert King à la Cité de la Musique, Paris.

Délices et Galatée
© Keith Saunders

Peut-être occultées par l'intégrale de la musique sacrée de Vivaldi, qui vient de s'achever, et de Monteverdi, qui suit son cours chez Hyperion, les réalisations haendéliennes de Robert King et de son King's Consort n'en sont pas moins considérables. Pour preuve, cet Acis et Galatée proche de la perfection présenté à l'occasion d'une de leurs rares apparitions en France.
 

Cité de la Musique, Paris
Le 10/11/2006
Mehdi MAHDAVI
 



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  • Quoi de plus normal que nos voisins d'outre-Manche se soient appropriĂ©s Haendel, tant les sonoritĂ©s du caro sassone incarnent, au mĂŞme titre que celles de Purcell, Elgar, Vaughan Williams ou Britten, une certaine idĂ©e de la Grande-Bretagne ?

    Ayant introduit l'opéra italien dans son pays d'adoption en 1711 avec Rinaldo, suivi de Il Pastor fido (1712), Teseo (1713) et Amadigi (1715), le compositeur se retire à Cannons, résidence du comte de Carnavon, futur duc de Chandos, de 1717 à la fin de 1718 ou au début de 1719, où il réapparaît à Londres. Hormis les Chandos Anthems, Haendel y écrit son premier oratorio en langue vernaculaire, Esther, et s'inscrit dans la tradition du masque, illustrée par Henry Purcell et John Blow, avec Acis and Galatea, dont il avait déjà traité le sujet tiré des Métamorphoses d'Ovide dans une cantate à trois voix, probablement créée à Naples au cours de l'été 1708.

    Rien de commun pourtant entre ces deux oeuvres, si ce n'est dans une version remaniée et agrémentée d'emprunts à l'Aci originel, en riposte à une exécution pirate. Car Acis et Galathée est sans doute avec l'Allegro, il Penseroso ed il Moderato l'oeuvre la plus typiquement anglaise d'un compositeur qui a parfaitement su assimiler et traduire l'esprit d'une nation, saupoudrant la fable pastorale de pointes d'ironie dignes des toiles de son contemporain William Hogarth.

    Comme dans le Messie, Israël en Egypte et autre Judas Maccabée, les musiciens britanniques y sont d'ailleurs imbattables. Assez injustement cantonné, à l'instar d'Harry Christophers, dans l'ombre hégémonique de Paul McCreesh de ce côté-ci de la Manche, Robert King en offre ainsi une exécution presque parfaite.

    Phrasée avec une subtile évidence, la musique prend vie, respire en un dialogue idéalement concertant, envoûtant, entre une petite douzaine de cordes d'une rare plénitude et un hautbois omniprésent, parfois supplanté par la flûte, tour à tour ironique et caressante. Il ne reste dès lors plus aux voix qu'à se poser sur cet écrin aux accents variés, aux contrastes savamment dosés, animé par un constant souci d'équilibre, qui jamais ne tente de forcer le style délicatement singulier de l'oeuvre dans la production haendélienne en lui imposant un dramatisme hors de propos, et par là même enchante et bouleverse.

    FraĂ®che comme la rosĂ©e, oĂą perle parfois une larme, et d'une conduite dĂ©licieuse, Lucy Crowe est une GalatĂ©e au velours irradiant. PrĂ©sentĂ© comme « l'un des plus grands chanteurs de sa gĂ©nĂ©ration Â» dans le programme, James Gilchrist mĂ©rite incontestablement ce titre pompeux grâce Ă  un timbre somptueusement modulĂ© et une maĂ®trise technique Ă©poustouflante dont il use avec raffinement et sensibilitĂ©, notamment dans un Love sounds th'alarm inĂ©puisable d'amoureuse vaillance.

    TaillĂ©e dans une roche lĂ©gèrement charbonneuse, la voix d'Andrew Foster-Williams se rĂ©vèle admirablement virtuose et percutante dans les accès de fureur de Polyphème. Quant aux fades raideurs du Damon de Charles Daniels, elles pourraient ĂŞtre une ombre lĂ©gère Ă  ce magnifique tableau si le tĂ©nor anglais ne parait « l'Ă©phĂ©mère plaisir Â» de Consider, fond shepherd de tant de dĂ©licatesse. Et quelle intensitĂ© d'Ă©coute lorsque tous se rejoignent dans les choeurs !

    Un rare moment d'indicible grâce musicale.




    Cité de la Musique, Paris
    Le 10/11/2006
    Mehdi MAHDAVI

    Version de concert d'Acis et Galatée de Haendel sous la direction de Robert King à la Cité de la Musique, Paris.
    Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
    Acis and Galatea, masque en deux actes (1718)
    Livret de John Gay, Alexander Pope et John Hugues d'après les Métamorphoses d'Ovide

    The King's Consort
    direction : Robert King

    Avec :
    Lucy Crowe (Galatea), James Gilchrist (Acis), Charles Daniels (Damon), Andrew Foster-Williams (Polyphemus), Charles Humphries (Choeur).

     


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