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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Music for eighteen musicians et Daniel Variations de Steve Reich à la Cité de la musique, Paris.
Le gamelan américain de Steve Reich
Extraordinaire succès pour la Musique pour dix-huit musiciens de Steve Reich. Jouée par le compositeur à la tête de son ensemble, cette pièce de 1976 frappe par sa radicalité et éclipse la création de la dernière oeuvre en date du grand new-yorkais, Daniel Variations, écrite en hommage au journaliste Daniel Pearl assassiné en 2002 au Pakistan.
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En tournée européenne, les musiciens du Steve Reich and Musicians se souviendront longtemps de ce concert parisien. En effet, de la partition introuvable qui retarde de dix minutes le début de la soirée à la corde d'un violon qui cède pendant Music for eighteen musicians, obligeant l'ensemble à reprendre la pièce depuis le commencement, les anecdotes ne manquent pas pour les vénérables membres du groupe américain.
Pourtant, la salle fait un triomphe à ceux qui, malgré les aléas, lui ont fait vivre une expérience inoubliable. Car les cinquante-cinq minutes de Music for eighteen musicians sont avec In C de Terry Riley un cas unique dans l'histoire de la musique. Pulsée de façon régulière tout le long par des pianos et des vibraphones, la pièce repose sur un cycle de onze accords, étirés démesurément le long de onze sections, qui font entendre crescendo les notes qui vibrent au sein de chaque accord.
Imaginons en quelque sorte une douzaine de petits Boléros de Ravel, qui se résoudraient non en un tourbillon tragique mais en un nouveau rythme irrésistible. Music for eighteen musicians procure par la répétition un bonheur de plus en plus immobile et il est parfois bien difficile de rester coi sur son siège !
Ce concert montre également le lien de cette musique avec des traditions extra-européennes. Pareils à des tambours d'Afrique occidentale ou à un gamelan balinais, les musiciens s'échangent des signes pour prévenir des changements d'accord, se relaient alternativement pour assurer ou dédoubler la pulsation si bien qu'on a véritablement l'impression de voir un groupe sur scène. La standing ovation spontanée du public s'adresse ainsi autant à Steve Reich, casquette noire vissée sur la tête, qu'à l'ensemble qui l'entoure.
Décevante création française des Daniel Variations
En première partie de ce concert était donné en création française, Daniel Variations, la dernière oeuvre en date de Reich, dédiée à la mémoire du journaliste américain Daniel Pearl assassiné au Pakistan. D'une durée d'une demi-heure environ, la pièce se compose de quatre mouvements, qui font entendre des phrases de Daniel Pearl lui-même et d'autres tirées du Livre de Daniel.
On reconnaît ici les sonorités de pièces antérieures : l'instrumentation de You are, l'âpreté du Triple Quartet, les mélodies déchirantes de Different trains, sans qu'on puisse parler pour autant d'une oeuvre-somme. On y trouve certes de nombreux moments hypnotiques où s'exprime en plein l'envoûtement qu'instille l'écriture tout en petits motifs répétés de Reich ; la pièce devient même un émouvant hommage, lorsque sous de merveilleuses mélodies hébraïsantes du quatuor, les chanteurs répètent inlassablement : « my name is Daniel Pearl ».
Toutefois, l'écriture vocale, très déclamatoire, alourdit considérablement le propos et les Daniel Variations, comme les oeuvres récentes de Reich, paraissent plus juxtaposer les idées qu'elles ne les lient. L'élan orgiaque de Music for eighteen musicians aura ainsi porté ombrage à cette création pourtant magnifiquement dirigée par le bondissant Brad Lubman à la tête du Steve Reich Ensemble.
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Cité de la Musique, Paris Le 14/11/2006 Laurent VILAREM |
| Music for eighteen musicians et Daniel Variations de Steve Reich à la Cité de la musique, Paris. | Steve Reich (*1936)
Daniel Variations (2006)
Création française
Synergy Vocals
Music for eighteen musicians (1976)
Steve Reich, piano et diffusion sonore
Steve Reich and musicians
direction: Brad Lubman
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