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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création mondiale d'Into the Little Hill de George Benjamin dans la mise en scène de Daniel Jeanneteau et sous la direction de Franck Ollu dans le cadre des Frontières de l'Opéra de Paris.
George Benjamin et les sortilèges
Donné en création mondiale à l'Opéra Bastille, le premier opéra du compositeur anglais George Benjamin est par l'intelligence de sa conception, de son livret mais surtout de sa musique, aussi transparente que lyrique, une oeuvre destinée à entrer au répertoire au même titre que les courts opéras de Ravel ou de Britten.
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Il y a eu de nombreuses créations d'opéras contemporains cette année. Songeons rien qu'en France aux opéras de Kaija Saariaho, Bruno Mantovani et Pascal Dusapin, qui, malgré leurs réussites respectives, nécessitent d'importants moyens et le bon vouloir d'une grande maison d'opéra. Certains ont par le passé essayé de contourner cet écueil – on pense notamment à la Frontière de Philippe Manoury – en proposant des opéras de chambre ; pourtant aucune oeuvre ne semble à même d'égaler la réussite aussi modeste que rayonnante de cet Into the Little Hill, premier opéra du compositeur anglais George Benjamin. Les raisons en sont aussi simples que multiples.
Into the Little Hill est une réactualisation de la légende du joueur de flûte d'Hamelin. Dans une ville où hommes et rats cohabitent, un ministre doit, afin de faciliter sa réélection, conclure un marché avec un musicien sans visage. Dans une langue qui appelle véritablement la musique, le livret de Martin Crimp est d'une discrète modernité. La mise en scène de Daniel Jeanneteau ne tente pas non plus de souligner un quelconque lien avec notre actualité la plus immédiate et opte pour une scénographie très dépouillée qui met en valeur les musiciens de l'Ensemble Modern présents sur la scène et surtout les deux chanteuses, Hillary Sommers, contralto, et Anu Komsi, soprano, toutes deux hallucinées.
Car là réside l'originalité de ce livret, l'opéra repose sur une technique de narration somme toute assez simple : les deux chanteuses sont à la fois les personnages et les narratrices. En résulte une intrigue d'une grande variété d'actions et de climats, étonnante pour un aussi petit format. Réellement novatrice, cette technique rappelle en outre de façon stimulante des formes plus anciennes, telles que le théâtre de marionnettes ou le théâtre japonais.
Un maître de notre époque
De cette création à Paris, on peut regretter l'absence de surtitrage, qui prive de nombreux auditeurs de l'entière compréhension des dialogues, conférant à ce spectacle accessible un aspect du coup relativement rébarbatif. On peut cependant se concentrer sur la musique. Et très vite, cette dernière apparaît comme celle d'un maître de notre époque. Non celle d'un révolutionnaire donnant à entendre de l'inouï, mais celle d'un prodigieux artisan, certain de ses moyens. Bien que d'une inspiration plus sombre que celle du compositeur de la Sonate pour violon et violoncelle, le nom de Maurice Ravel vient immanquablement à l'esprit.
Dès Viola Viola pour deux altos donné en première partie de soirée s'affirme une polyphonie d'une grande clarté d'expression. L'instrumentation de Benjamin est très différenciée et caractérisante ; il y a une immense concision dans cet enchevêtrement de lignes contrapuntiques et une volonté permanente de renouvellement. C'est donc, un peu à la manière de l'Enfant et les sortilèges, une série d'épisodes musicalement très contrastés qu'offre Into the Little Hill. S'y détachent la berceuse d'une mère à son enfant jouée à la flûte basse et l'hypnotique voix d'un étranger sans visage. L'ensemble Modern – quinze instrumentistes –, dirigé par Franck Ollu, est le défenseur idéal de cette musique lumineuse et entêtante.
Voilà une oeuvre modeste, qui parle juste à notre époque, dans une forme malléable pour être fréquemment jouée, courte mais urgente. Sans tambours ni trompettes, une pièce appelée à entrer au répertoire.
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Amphithéâtre de l'Opéra Bastille, Paris Le 22/11/2006 Laurent VILAREM |
| Création mondiale d'Into the Little Hill de George Benjamin dans la mise en scène de Daniel Jeanneteau et sous la direction de Franck Ollu dans le cadre des Frontières de l'Opéra de Paris. | George Benjamin (*1960)
Into the Little Hill, conte lyrique en deux parties pour soprano, contralto et ensemble de quinze instrumentistes
Livret de Martin Crimp
Création mondiale, précédée de Viola Viola pour deux altos, et Three miniatures pour violon.
Anu Komsi, soprano
Hillary Summers, contralto
Ensemble Modern
direction: Franck Ollu
scénographie et mise en scène: Daniel Jeanneteau
collaboration artistique et Ă©clairages : Marie-Christine Soma
costumes: Olga Karpinsky | |
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