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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert du Quatuor Pražák à l'Auditorium Maurice Ravel de Lyon avec la participation du clarinettiste Pascal Moraguès, dans le cadre de la série Grands Interprètes.
En territoire d'élection
Après avoir été l'ambassadeur de Dvořák et Janáček et après la parution discographique de son intégrale des quatuors de Beethoven, le Quatuor Pražák donne aux Lyonnais l'occasion de l'entendre dans le répertoire classique. S'il fallait prouver qu'il est en terrain d'élection avec Mozart autant qu'avec Martinů, c'est dorénavant chose faite.
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La manière si particulière des Pražák convient-elle à tous les répertoires ? On avait constaté l'année dernière à la Cité de la Musique une sécheresse inappropriée et une incapacité à révéler toute la générosité des lignes dans Brahms. Mais on avait remarqué aussi une étroite connexion entre la culture viennoise et la culture tchèque ; Mozart ayant toujours été fêté à Prague, on ne sera donc nullement surpris de trouver les Pražák fort à leur aise dans le répertoire mozartien.
Une adaptation stylistique est nécessaire : le violoncelliste Michal Kanka fait un usage réfléchi et modéré du jeu senza vibrato tandis que ses compères clarifient scrupuleusement sa texture. Si les Pražák prennent en compte la révolution des baroqueux, ils n'en perdent pas pour autant leur authenticité. Leur densité expressive tient autant aux particularités du son tchèque, toujours tendu et acéré, qu'à une volonté de situer Mozart en amont d'une tradition romantique déjà sous-jacente dans une Empfindsamkeit bien présente.
En résulte un Mozart non seulement fin et léger, mais aussi anguleux et corrosif juste le nécessaire, dans un Allegretto incisif, un Andante qui séduit davantage par la densification d'une matière nourrie par un vibrato intense que par la liberté et le lyrisme des lignes, et dans un Menuet coupant et quasi scherzando.
Le quatuor tchèque est aussi l'instrument idéal pour le 3e quatuor de Martinů. Les Pražák magnifient l'esprit populaire dans une manière incandescente et sidérante où le son devient en soi matière vivante et expressive brute. Rarement on aura entendu une telle fièvre soutenue par une mise en place irréprochable, de même qu'une cohésion sonore qui frise l'intensité orchestrale dans les passages furioso.
La rencontre avec Pascal Moraguès vaut en seconde partie un Quintette pour clarinette de Mozart de toute beauté. Les styles respectifs du quatuor tchèque et du clarinettiste français paraissent pourtant opposés et rien ne laissait présager que l'alchimie fonctionnerait si bien. À l'expression dense et soutenue du quatuor, Moraguès oppose une divine sobriété procédant volontiers par touches délicates, comme si la clarinette vouvoyait chaque note de ce fabuleux quintette.
Pianissimi ineffables, sotto voce quasi constant, Moraguès a l'art de la micro-nuance et le sens de l'ellipse. De l'art de ne jamais forcer le trait en dialoguant avec un partenaire racé, voilà tout ce qui fait la particularité de cette lecture magnifique, indéniablement très à part, qui place Moraguès et les Pražák en territoire d'élection.
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Auditorium Maurice Ravel, Lyon Le 27/11/2006 Benjamin GRENARD |
| Concert du Quatuor Pražák à l'Auditorium Maurice Ravel de Lyon avec la participation du clarinettiste Pascal Moraguès, dans le cadre de la série Grands Interprètes. | Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Quatuor à cordes n° 21 en ré majeur, K. 575 (1789)
Bohuslav Martinů (1890-1959)
Quatuor à cordes n° 3, H.183 (1929)
Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
Quintette pour clarinette et cordes en la majeur, K. 581 (1789)
Pascal Moraguès, clarinette
Quatuor Pražák
Václav Remes, violon I
Vlatismil Holek, violon II
Joseph Kluson, alto
Michal Kanka, violoncelle | |
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