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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Concert de l'Orchestre de Paris sous la direction de Mstislav Rostropovitch, avec la participation du pianiste CĂ©dric Tiberghien Ă  la salle Pleyel, Paris.

L'expérience Chostakovitch

Pour son second programme Chostakovitch à la tête de l'Orchestre de Paris, Mstislav Rostropovitch apporte une nouvelle fois la preuve de sa relation privilégiée avec le maître soviétique. Sa 10e symphonie oscille entre sarcasmes et gouffres amers, alors que celle du 1er concerto pour piano manie ironie fantasque et lyrisme flamboyant.
 

Salle Pleyel, Paris
Le 22/11/2006
Michel LE NAOUR
 



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  • Autant Rostropovitch semblait accablĂ© par le poids des ans et la fatigue la semaine passĂ©e, autant il paraĂ®t ce soir avoir retrouvĂ© toute son Ă©nergie et sa vivacitĂ© lĂ©gendaires. Dans la 10e symphonie, composĂ©e peu après la mort de Staline, Chostakovitch, plus encore qu'une caricature acerbe du rĂ©gime et du dictateur, se met directement en scène – le motif DSCH de ses initiales transposĂ©es dans la notation allemande – et brosse un tableau psychologique d'une puissance formelle et stylistique dans la lignĂ©e de Moussorgski et de Mahler.

    La direction de Rostropovitch cherche à nouveau – comme dans la 8e symphonie – à fouiller la partition dans ses recoins les plus sombres, à susciter un climat tendu proche de Boris Godounov – les basses et les violoncelles du Moderato initial –, à révéler une férocité d'acier – l'Allegro censé représenter la tyrannie de Staline –, à faire planer une impression de densité – les cordes dans l'Andante – avec un étirement du tempo d'une lenteur accablante, tandis que le Finale faussement optimiste atteint dans sa péroraison fracassante à la façon de Tchaïkovski un pouvoir quasi tellurique.

    Littéralement envoûté par ce parcours initiatique, l'Orchestre de Paris des grands jours sait qu'il vit un événement à la hauteur duquel, collectivement, il doit contribuer : les interventions solistes sont d'une persuasion exemplaire, comme celles de la clarinette de Pascal Moraguès, du violon de Roland Daugareil ou encore du cor anglais de Jean-Claude Jaboulay. Le souffle épique qui se déploie et l'intensité qui se dégage de cette exécution atteignent des profondeurs insoupçonnées. La musicalité dont Rostropovitch fait constamment preuve, comme l'élan et le dépouillement qui l'animent, illustrent plus que sous d'autres baguettes pourtant plus précises, la souffrance et le drame du monde moderne.

    Dans le 1er concerto pour piano, de forme néoclassique et composé en 1933, la trompette de Frédéric Mellardi, par la couleur éclatante de ses interventions, apporte au pianiste Cédric Tiberghien – remarquable de fluidité, d'aisance, de souplesse, sans toutefois l'impact percussif de Kissin dans les cadences – ce complément de virtuosité presque déjantée que visait le compositeur, par ailleurs interprète de cette oeuvre. En bis, Tiberghien séduit dans une Arabesque de Schumann arachnéenne, où plane l'espace d'un instant l'ombre de Debussy qui voulait justement que l'on jouât du piano sans marteaux.

    Pour conclure ce concert stakhanoviste, Rostropovitch se livre, dans les cinq entractes extraits de l'opéra Lady Macbeth – partition maudite qui reçut l'excommunication par Staline et que Rostropovitch a contribué à faire redécouvrir dans les années 1970 – à une démonstration tout à fait convaincante, à la fois obsessionnelle, expressionniste et d'une frénésie démente où, une fois encore, les instrumentistes font flèche de tout bois.

    Le public conscient lui aussi qu'il vient de vivre une expérience inoubliable, manifeste son enthousiasme, debout, pendant de très longues minutes.




    Salle Pleyel, Paris
    Le 22/11/2006
    Michel LE NAOUR

    Concert de l'Orchestre de Paris sous la direction de Mstislav Rostropovitch, avec la participation du pianiste CĂ©dric Tiberghien Ă  la salle Pleyel, Paris.
    Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
    Symphonie n° 10 en mi mineur, op. 93 (1953)

    Concerto pour piano, trompette et orchestre à cordes n° 1 en ut mineur, op. 35 (1933)
    CĂ©dric Tiberghien, piano
    Frédéric Mellardi, trompette

    Cinq entractes extraits de l'opéra Lady Macbeth du district de Mzensk (1935)

    Orchestre de Paris
    direction : Mstislav Rostropovitch

     


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