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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Pietra del Paragone de Rossini mise en scène par Pierrick Sorin et Giorgio Barberio Corsetti et sous la direction de Jean-Christophe Spinosi au Théâtre du Châtelet, Paris.
Espièglerie, délices et gadget
Il est des soirées d'où l'on sort subjugué autant qu'insatisfait. Tel est le cas cette Pietra del paragone de Rossini au Châtelet, bottée en touche par le chef Jean-Christophe Spinosi. Après Le Chanteur de Mexico et Candide, la mise en scène de Pierrick Sorin et Giorgio Barberio Corsetti est pourtant une drolatique réussite.
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L'oeuvre est mineure bien qu'elle ait permis à Rossini de se faire un nom quand, à la Scala, le 26 septembre 1812, elle fut donnée pour la première fois. Stendhal s'enthousiasma au point de juger cette Pierre de touche comme le chef-d'oeuvre bouffe de son compositeur préféré. Rossini avait alors 20 ans et il est vrai que, dans chaque mesure, on perçoit le flux, l'enthousiasme, la drôlerie, l'effervescence, l'emphase et la joie qui vont faire de l'Italien un compositeur pléthorique et hors du commun.
Comment réaliser aujourd'hui cette comédie rocambolesque pleine de quiproquos, de déguisements et autres travestissements sans qu'elle paraisse une pièce de boulevard digne d'Au théâtre ce soir ? Évidemment par le burlesque. Le vidéaste nantais Pierrick Sorin, dont on connaît les imaginatives créations pour la publicité – Chanel, les Galeries Lafayette – ou encore les impressionnantes installations à la Fondation Cartier, s'en donne à coeur joie et réinvente une manière de faire l'opéra. Il a pour complice le brillant metteur en scène italien Giorgio Barberio Corsetti.
Le décor est constitué d'abord de rideaux et d'un fond bleu. Des silhouettes féminines, le visage et le corps en collant recouverts d'un voile également bleu, sont les assistantes d'une mise en scène étrange, cocasse et dynamique. Elle se traduit par des maquettes avancées sur la scène que des caméras reproduisent en gros plan sur six écrans vidéo. C'est dans ces vues, redéployées par d'autres maquettes tout au long de la soirée, que s'insèrent, s'intègrent par des trucages époustouflants les personnages à des échelles variées.
Ainsi un bosquet ressemblant à une accumulation de bonzaïs arrosée par trois tristes sires devient sur grand écran une forêt ruisselante. Ainsi, une zone désertique parcourue par deux minuscules souriceaux se transforment sur trois écrans en un lieu fantasmagorique peuplé de monstres. Ainsi encore, deux personnages sur un jeu de paume envoient des balles qui sont rattrapées par les fantomatiques silhouettes anonymes en bleu : les balles ne sont jamais hors jeu.
Même fantaisie sur la scène et dans la fosse
Sur le devant de la scène, les chanteurs vêtus de costumes années 1960 aux épatantes couleurs vert, rouge, orange, se détachent avec humour. On se croirait souvent dans une bande dessinée. Rien de sérieux évidemment dans cette histoire légère qui n'aurait guère d'intérêt sans la patte de Sorin. Voilà une pochade à laquelle le chef, le Breton d'origine corse Jean-Christophe Spinosi à la tête de son Ensemble Matheus et du choeur du Teatro Regio de Parme, communique une égale fantaisie.
On connaît son énergie, son agitation, ses cabrioles, son absence de nuances, sa vitalité crépitante parfois proche de l'esbroufe. Mais à cette fantaisie débridée, il aurait tendance à apporter aujourd'hui un soupçon de rigueur qui jadis lui manquait cruellement. La maturité venue, ses lectures prendront-elles un jour une vraie dimension ? Il est servi en tout cas par un plateau d'une grande homogénéité d'où émergent pourtant deux chanteurs, la contralto Sonia Prina en marquise Clarise et la basse François Lis en comte Asdrubale. Tout cela est un délice, mais avec un bémol.
La mise en scène est souvent répétitive et peut facilement paraître lassante. Autre danger : entre les surtitres, les six écrans, les chanteurs sur le devant de la scène et les maquettes, le regard se perd un peu. Qu'est-ce qu'un metteur en scène d'opéra ? Un artiste qui met en évidence d'abord la musique et les voix. Un plasticien aussi éminent que Pierrick Sorin n'est pas un décorateur d'opéra. Trop d'images tuent le langage vocal et musical de l'opéra. Voilà une réussite étincelante qui devrait rester... unique. À ne pas copier !
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Théatre du Châtelet, Paris Le 20/01/2007 Nicole DUAULT |
| Nouvelle production de la Pietra del Paragone de Rossini mise en scène par Pierrick Sorin et Giorgio Barberio Corsetti et sous la direction de Jean-Christophe Spinosi au Théâtre du Châtelet, Paris. | Gioacchino Rossini (1792-1868)
La Pietra del paragone, melodramma giocoso (1812)
Choeur du Teatro Regio de Parme
Ensemble Matheus
direction : Jean-Christophe Spinosi
mise en scène, scénographie et vidéo : Giorgio Barberio Corsetti & Pierrick Sorin
costumes et participation aux décors : Cristian Taraborrelli
Ă©clairages : Gianluca Cappelletti
Avec :
Sonia Prina (Marchesina Clarice), Jennifer Holloway (Baronessa Aspasia), Laura Giordano (Donna Fulvia), Christian Senn (Pacuvio), François Lis (Conte Asdrubale), JosĂ© Manuel Zapata (Giocondo), Joan MartĂn-Royo (Conte Macrobio), Filippo Polinelli (Fabrizio). | |
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