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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelles productions du Journal d'un disparu de Janáček et du Château de Barbe-Bleue de BartĂłk mises en scène par La Fura dels Baus et sous la direction de Gustav Kuhn Ă l'OpĂ©ra de Paris.
Le Palais Garnier de Barbe-Bleue
Si l'idĂ©e d'orchestrer « Ă la BartĂłk » le Journal d'un disparu de Janáček est pour le moins incongrue, sa rĂ©alisation scĂ©nique, son interprĂ©tation vocale comme celles du Château de Barbe-Bleue de BartĂłk, fruits du travail très cohĂ©rent de la Fura dels Baus au Palais Garnier, sont de magnifiques moments de théâtre lyrique.
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On parierait volontiers qu'il savoure la provocation comme certains un bon Havane ! Certes, Gerard Mortier est un homme de conviction qui croit profondément à la politique artistique qu'il met en place, mais il doit aussi trouver un côté jubilatoire à secouer le cocotier des habitudes lyriques parisiennes comme il le fait depuis son arrivée à l'Opéra.
En confiant aux Ă©quipes de la Fura dels Baus la rĂ©alisation de ce spectacle Janáček -BartĂłk, il ne pouvait ignorer multiplier les risques après le très frais accueil rĂ©servĂ© Ă la FlĂ»te enchantĂ©e vue par les mĂŞmes crĂ©ateurs. Eh bien, pari tentĂ©, pari gagnĂ© ! Car la rĂ©ussite de ce programme est totale, Ă une erreur près : avoir prĂ©sentĂ© le Journal d'un disparu dans une version orchestrĂ©e « en s'inspirant de l'orchestration de BartĂłk », avec l'Ă©trange intention de « souligner la parentĂ© existant entre les deux compositeur ».
Pourquoi donner du Janáček si c'est pour tenter d'en faire du BartĂłk ? Pourquoi ne pas avoir Ă©tĂ© jusqu'au bout du dĂ©fi et ne pas avoir donnĂ© tout simplement la version traditionnelle de l'oeuvre avec un simple piano ? Encore un exemple de manque de confiance en la musique, de doute quant Ă son impact, mĂŞme si la forme est plus pudique que celle d'un grand opĂ©ra. La question n'est alors pas de savoir si l'orchestration de Gustav Kuhn, qui dirige fort bien l'orchestre, est bonne ou mauvaise. Elle n'a tout simplement aucune raison d'ĂŞtre ni aucun intĂ©rĂŞt. Inutile de tenter de la justifier par l'enchaĂ®nement des deux pièces dans un mĂŞme souffle.
Cela dit, les options scĂ©niques dĂ©pouillĂ©es Ă la Beckett vu par les Renaud-Barrault choisies par l'Ă©quipe de la Fura dels Baus sont intelligentes et donnent une vraie profondeur Ă cette partition Ă©trange, inspirĂ©e Ă Janáček par des poèmes somme toute assez mĂ©diocres. Aucune tentative donc d'illustrer de manière figurative les images bucoliques ni les Ă©pisodes amoureux qui constituent l'essentiel du texte, mais une vision rude et austère, qui exprime le parcours intĂ©rieur passionnĂ© et douloureux tant du poète que du compositeur. Michael König en est l'interprète excellent Ă tous Ă©gards, secondĂ© par une Hannah Esther Minutillo aux brèves mais marquantes interventions, très cinĂ©matographiques.
Univers du cinéma aussi pour le Château de Barbe-Bleue dont il faut avant tout souligner la somptueuse interprétation orchestrale par les musiciens de l'Opéra. La partition est une splendeur, foisonnante de couleurs, de rythmes, de contrastes, d'idées harmoniques surprenantes. Elle est rendue ce soir de manière magistrale, tout comme l'interprétation vocale et dramatique de Willard White et de Béatrice Uria-Monzon, chantant bravement en langue originale.
Un palais Ă la Cocteau
Expressifs, vrais, exacts, sans excès, sans faux pas, ils répondent avec un sens théâtral infaillible aux exigences d'une mise en scène brillamment intelligente, absolument dans l'esprit de l'oeuvre. Des rétroprojections sur des séries de rideaux transparents situent l'action dans un Palais Garnier magique, féériquement amplifié ou déformé à la Cocteau, ou dans des lieux abstraits d'une grande beauté, collant à la dynamique du drame.
Un travail beau Ă voir, variĂ©, toujours en situation, propice Ă l'Ă©vasion poĂ©tique, effrayant comme les cauchemars de l'enfance après la lecture vespĂ©rale de certains contes de fĂ©Ă©s. Un spectacle original, nouveau, conçu, rĂ©alisĂ©, Ă©clairĂ©, interprĂ©tĂ© avec une inspiration permanente, ce n'est pas si courant sur les scènes d'opĂ©ra. Si l'on n'avait pas touchĂ© Ă la partition de Janáček, la soirĂ©e frĂ´lerait la perfection.
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