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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Version de concert de Nabucco de Verdi dirigée par Claude Schnitzler à l'Opéra de Rennes.
Derniers feux sacrés
Nelly Miricioiu
Personnalité hors norme, Nelly Miricioiu s'est distinguée, tout au long d'une carrière exemplaire, par son art du chant à l'ancienne. Osant sa première Abigaille dans l'intimité de l'Opéra de Rennes, la soprano roumaine crée l'évènement, restituant l'héroïne verdienne à un belcantisme auquel l'interprète de Nabucco semble définitivement insensible.
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Complicité artistique
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Hommage au réalisme poétique
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Nelly Miricioiu dans Nabucco à l'Opéra de Rennes, l'affiche pouvait sembler improbable. Car il fallait oser une telle prise de rôle après trente ans de carrière – et quelle carrière ! Mais l'intimité de la salle rennaise s'est révélée idéale pour ce défi relevé avec panache, dans le cadre privilégié d'une version de concert. Prétendre que la soprano roumaine possède – les a-t-elle jamais eus ? – les moyens d'Abigaille n'en serait pas moins faux, dès lors que les heurts de la tessiture surexposent l'érosion de la voix.
Fragile par nature, mais aussi par refus du poitrinage systématique, le grave est aujourd'hui exsangue, et compromet une entrée qui a pu, le temps d'un changement de registre, faire craindre le pire. Le médium n'est guère plus probant, dont la chair blessée ne peut se départir d'un voile de souffle. Mais le haut-médium a préservé son impact rayonnant, et l'aigu un mordant qui compense les écarts d'un vibrato un peu lâche, notamment dans la nuance piano. Surtout, l'art demeure. Et il est immense.
Grâce à une parfaite connaissance de ses moyens, Miricioiu parvient en effet à apprivoiser une tessiture meurtrière entre toutes, déjouant les pièges les plus extrêmes avec une redoutable efficacité, pour délivrer la plus poignante des leçons de bel canto. Qui peut aujourd'hui se targuer, dans ce répertoire comme dans tous les autres, de fasciner par la seule beauté des inflexions, la justesse de l'accent, et peut-être plus encore un legato, modulant authentiquement le vibrato sur le souffle, comme on n'en rêve plus ?
D'autant que ce chant ne se donne jamais à entendre pour lui-même, transcendé par l'ardeur écorchée vive de l'investissement. Jetant toutes ses forces dans la bataille, cette Abigaille se découvre esclave avec une intensité proprement suicidaire, jusqu'à nous tirer des larmes. Alors qu'importe qu'elle y tutoie sans cesse ses limites, puisque dernière représentante d'une école désertée, Miricioiu s'impose dans ce rôle grâce à ce feu sacré qui est la marque des légendes vivantes.
Un Nabucco aux antipodes du bel canto
Adepte du hurlement, qu'on se gardera bien de qualifier de vériste par respect pour cette école, le Nabucco de Joo Il Choi prend l'exact contre-pied de cette incarnation étreignante de téméraire fragilité. Du dernier rang des gradins de la plus vaste des arènes, ses mugissements pourraient peut-être passer pour du chant, mais dans le ravissant théâtre de Charles Millardet, le baryton coréen surtimbre jusqu'à l'insupportable dans un italien pour le moins exotique, quand il ne se complaît pas dans ces détimbrages du pire mauvais goût qui lui tiennent lieu de dynamique expressive.
Si ses aigus se dérobent souvent, le Zaccaria au creux des plus nobles de Gregor Rozycki offre par contraste un chant infiniment scrupuleux à défaut d'être prophétique, tandis que la Fenena de Laura Brioli, dont le cantabile manque encore de tenue, déploie une voix d'une percutante santé, à l'instar de l'Anna lumineuse, pour ne pas dire luxueuse, d'Angelina Ruzzafante. Ténor jusqu'au bout des ongles, sinon de la tessiture, l'Ismaele d'Arturo Valencia Rodriguez n'exhibe en revanche qu'un timbre ingrat, et semble définitivement fâché avec la justesse et le solfège.
Sans véritable couleur, le choeur de l'Opéra de Rennes, renforcé par les effectifs d'Angers Nantes Opéra, a une fâcheuse tendance à accentuer les finales qui prive d'impact jusqu'au fameux Va, pensiero. Mais l'Orchestre de Bretagne, porté par l'élan que lui insuffle la direction énergique, mais toujours attentive au galbe de la phrase, de Claude Schnitzler, qui fut son directeur de 1989 à 1995, se révèle tout à fait à la hauteur de la prise de rôle hors norme, et infiniment bouleversante, de Nelly Miricioiu.
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