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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre royal du Concertgebouw d'Amsterdam sous la direction de Mariss Jansons, avec la participation de la mezzo-soprano Elina Garanča au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Leçon d'orchestre
Événement incontournable de la saison symphonique parisienne que la venue au Théâtre des Champs-Élysées du Concertgebouw d'Amsterdam. Sous la baguette de Mariss Jansons, plus inspirée avant qu'après l'entracte, la formation néerlandaise brille de mille feux et s'affirme comme l'une des plus éblouissantes de la planète.
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Avant même que la musique commence, le Concertgebouw d'Amsterdam donne la leçon, dans la manière de se présenter au public, de saluer quand le chef arrive sur le podium. Et dès la première attaque des cordes du Carnaval romain de Berlioz, le constat est indéniable : la phalange néerlandaise n'a en rien usurpé sa réputation de berline symphonique parmi les plus luxueuses.
Présence physique du son, fusion des timbres dans les tutti, cordes enivrantes, tantôt soyeuses comme celles des Wiener, tantôt du même acier que celles des Berliner, cuivres majestueux, bois colorés et par-dessus tout, une cohésion sonore, une absolue précision rythmique, une synchronisation des archets comme de la respiration des vents qui relèguent en deux accords notre belle France au rang de pays en voie de développement orchestral. La battue de Jansons, elle, fait des miracles : vive, acérée, à l'affût de la moindre goutte d'énergie, sans jamais pour autant brider les instrumentistes – un cor anglais divinement chantant.
Dans les Folk Songs de Berio, le chef letton s'attache à caractériser chaque climat, chaque microcosme avec une remarquable variété de couleurs. La jeune et belle Elina Garanča, format uniment lyrique de tant de voix de l'est, a tendance à trop chanter, à trop verticaliser l'émission et enrober le texte. Très sage, elle ne trouve que rarement le ton simple ou débridé de ces saynètes qui n'avaient aucun secret pour la créatrice Cathy Berberian.
Avec la Symphonie du nouveau monde de Dvořák, on aborde un tube parmi les tubes, une carte de visite idéale pour un orchestre comme pour un chef. Mais si le Concertgebouw s'avère à nouveau d'une excellence jamais démentie, la direction de Jansons, opulente quoique rapide, nous paraît cette fois victime du « syndrome Rattle », cherchant l'originalité pour l'originalité, déclinée en des accents jamais mis en valeur auparavant, des phrasés excentriques et un maniement de l'agogique qui laisse perplexe.
Comment, par exemple, ne pas être agacé à la longue par ce yo-yo rythmique dans le mouvement lent, où chaque carrure procède du même accelerando-ritardando doublé d'un soufflet crescendo-decrescendo sur chaque phrase –, cette tendance à annoncer avec force préparation certains détails sans importance ? Autant de tics vite prévisibles qui nuisent au flux naturel d'une partition au réseau thématique plutôt simple.
De même, pourquoi cette emphase dans l'épisode ineffable des cordes solistes qui clôt le Largo ; ce legatissimo plus outré que chez un Karajan dans le Finale, aussi loin de l'esprit – l'héroïsme – que de la lettre – les phrasés écrits – ; cet accord final étiré et diminué jusqu'à l'absurde, sinon pour montrer à quel point le Concertgebouw est un magnifique jouet auquel on peut demander tout et n'importe quoi ? Car par-delà la jouissance sonore, la partition devient prétexte, faire-valoir d'une battue maniériste et poseuse, sans projet interprétatif clair – sinon de refuser toute ambiance Mitteleuropa –, et qui à courir tous les lièvres à la fois n'en attrape au final pas un seul.
Rien à redire toutefois sur l'orchestre lui-même, prodigieux à tous les niveaux, d'une magnificence, d'une ductilité, d'une plastique instrumentale et d'une finition – au cafouillage près du hautbois juste avant le climax du mouvement lent – qui laissent pantois.
Après un premier bis consacré à l'Intermezzo de Cavalleria Rusticana de Mascagni, cette véritable leçon d'orchestre – à défaut de leçon d'interprétation – s'achève sur une 7e danse slave op. 72 de Dvořák chauffée à blanc, tout simplement fracassante, propre à déchaîner le plus stoïque des auditoires.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 13/02/2007 Yannick MILLON |
| Concert de l'Orchestre royal du Concertgebouw d'Amsterdam sous la direction de Mariss Jansons, avec la participation de la mezzo-soprano Elina Garanča au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Hector Berlioz (1803-1969)
Carnaval romain, ouverture op. 9 (1844)
Luciano Berio (1925-2003)
Folk Songs (1964)
Version orchestrale de 1973
Elina Garanča, mezzo-soprano
Antonin Dvořák (1841-1904)
Symphonie n° 9 en mi mineur op. 95, « du nouveau monde » (1893)
Koninklijk Concertgebouworkest Amsterdam
direction : Mariss Jansons | |
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