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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 novembre 2024 |
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Nouvelle production de l'Or du Rhin de Wagner mise en scène par David McVicar et sous la direction de Günter Neuhold à l'Opéra du Rhin, Strasbourg.
Retour Ă la source du mythe
Coup de maître que ce Rheingold de David McVicar inaugurant un nouveau Ring sur quatre saisons à l'Opéra du Rhin. Beauté de la scénographie, lisibilité et pertinence des options, direction d'acteurs au cordeau, autant d'ingrédients réunis pour un grand moment de théâtre, servi de surcroît par d'excellents jeunes chanteurs. Grosse déception orchestrale en revanche.
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Lights, camera, action !
Vigueur et courants d’air
En passant par la mort
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Combien de metteurs en scène aimeraient avoir visé aussi juste en entamant un premier Ring ! David McVicar, pour cet Or du Rhin initiant un cycle complet sur quatre ans à Strasbourg, a tapé en plein dans le mille, avec des moyens pourtant élémentaires.
Saine contrainte d'une machinerie modeste, le metteur en scène écossais, ailleurs souvent iconoclaste, a dû faire sobre : décor unique de plateaux inclinés ou concaves dont les magnifiques éclairages dévoilent les multiples pouvoirs évocateurs – la liquidité pastel du monde des nixes ; les teintes métalliques et glacées de l'univers des dieux, avec pour seule référence au Walhalla un monolithe descendu des cintres ; les anfractuosités du milieu souterrain des Nibelungen ; la majesté de l'arc-en-ciel final.
Autre point fort, un véritable retour aux sources du mythe, par le biais de l'universel – un environnement pluriculturel, de l'Afrique des totems pour les géants, montés sur échasses, à l'Inde pour Loge, doté de six bras – comme de l'intemporel – des costumes ethniques ou stylisés, sans référence à une époque donnée, renforçant le caractère légendaire.
Tout à fait pertinente aussi, l'omniprésence du masque, symbole du sacré autant que d'occultation de la réalité, qui mènera les dieux au crépuscule que l'on sait ; masques qui tombent après le rapt de Freia ; morceaux de masque géant en guise de trésor, recomposés sur la déesse des pommes d'or. Belle idée poétique enfin que la personnification de l'or, apparition magique au fond du Rhin, retour au finale à l'avant-scène, comme au bord d'un abîme, dans la position d'un christ en croix tête en bas.
McVicar a aussi saisi l'importance essentielle du triangle Loge-Alberich-Wotan, et notamment la faiblesse du roi des dieux, évoluant dans l'ombre de ses comparses, conscient d'emblée qu'il a failli, que sa tâche était trop lourde, absent et accablé au Nibelheim, réduit à un simple faire-valoir. Le glas de ce Wotan jeune et d'une certaine manière innocent est sonné par l'admonestation d'Erda : blotti sur le giron de la déesse comme un enfant perdu, il s'enveloppe de la traîne de son masque sorti des entrailles de la terre, pour ne plus la quitter. On ne pouvait faire plus éloigné de l'inébranlable et odieux primo mihi habituel.
Pas un instant l'attention ne fléchit devant un travail scénique aussi abouti, porté par une direction d'acteurs proprement fabuleuse, structurant au mieux l'espace scénique et le temps musical avec quelques mouvements chorégraphiés et une gestuelle très étudiée. Parfaitement en phase avec la scène, le plateau, jeune et au service permanent du texte, fait des étincelles.
Wolfgang Ablinger-Sperrhacke est un Loge absolument idéal – l'élégance, la ruse, l'articulation, la couleur –, réinventant le « ténor lyrique de caractère » qui sied si bien à ce personnage clé. Non moins éblouissant, l'Alberich de premier ordre d'Oleg Bryjak, projection percutante, beau métal et fort impact dramatique – une malédiction à faire froid dans le dos.
Parfait en double blanc de cet albe hors du commun, le Wotan un rien vert de Jason Howard, plastique musculeuse et émission claire, se situe dans la lignée des dieux légers à la Fischer-Dieskau. Gageons qu'à l'instar du baryton des barytons, il aura la sagesse de laisser à d'autres le Wotan de la Walkyrie, qui demande de tout autres moyens.
Le Mime de Colin Judson est touchant comme rarement, âme d'enfant, juste assez clair, juste assez rond, les géants imposants et naturellement sonores. La distribution féminine est dominée par la Fricka implorante, au médium très riche et au somptueux matériau de Hanne Fischer, et par l'Erda abyssale et tout en verticalité d'Alexandra Kloose.
Günter Neuhold dirige aux antipodes de la tradition germanique : léger, allant, transparent, par petites touches, relayant avec décontraction la limpidité narrative de la scène dans un esprit de conversation en musique voisin de la pratique chambriste, plus proche de Richard Strauss que de Wagner, avec ce que cela suppose de fluidité comme d'absence de relief dans les contrastes dynamiques.
Mais le seul point noir de la soirée reste un Orchestre philharmonique de Strasbourg jamais à la hauteur des alliages de timbres et de l'endurance requis. Des cordes mates, des bois souvent prosaïques et surtout des cuivres éteints et cafouilleurs laissent planer l'inquiétude sur la Walkyrie à venir, où l'exaltation des passions ne saura s'accommoder d'une partie orchestrale aussi besogneuse.
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Opéra du Rhin, Strasbourg Le 27/02/2007 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de l'Or du Rhin de Wagner mise en scène par David McVicar et sous la direction de Günter Neuhold à l'Opéra du Rhin, Strasbourg. | Richard Wagner (1813-1883)
Das Rheingold, prologue au festival scénique Der Ring des Nibelungen (1869)
Livret du compositeur
Orchestre philharmonique de Strasbourg
direction : GĂĽnter Neuhold
mise en scène : David McVicar
décors et costumes : Rae Smith
Ă©clairages : Paule Constable
masques : Vicki Hallam
chorégraphie : Andrew George & David Greeves
illusioniste : Paul Kieve
Avec :
Jason Howard (Wotan), Julian Tovey (Donner), Carsten Suess (Froh), Wolfgang Ablinger-Sperrhacke (Loge), Oleg Bryjak (Alberich), Colin Judson (Mime), Clive Bayley (Fasolt), Günther Groissböck (Fafner), Hanne Fischer (Fricka), Ann Petersen (Freia), Alexandra Kloose (Erda), Cécile de Boever (Woglinde), Susanne Reinhard (Wellgunde), Sylvie Althaparro (Flosshilde). | |
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