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CRITIQUES DE CONCERTS 22 décembre 2024

Nouvelle production de Tristan et Isolde de Wagner mise en scène par Nicolas Joel et sous la direction de Pinchas Steinberg au Théâtre du Capitole de Toulouse.

Un Tristan dont on attendait trop
© Patrice Nin

Janice Baird (Isolde) et Alan Woodrow (Tristan).

Après une Femme sans ombre qui avait placé la barre très haut, on attendait sans doute trop du Tristan de Nicolas Joel à Toulouse. Jamais indigne, la nouvelle production du Capitole affiche une Janice Baird nettement moins incontestable que dans Strauss, et peine à soutenir l'intérêt scénique. L'Orchestre du Capitole se fait alors le principal moteur dramatique.
 

Théâtre du Capitole, Toulouse
Le 08/03/2007
Yannick MILLON
 



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  • DĂ©couvrant en mars 2004 une Elektra phĂ©nomĂ©nale, nous n'avions alors pas tari d'Ă©loges sur Janice Baird, voix et physique de tragĂ©dienne d'une autre Ă©poque. Ă€ l'automne dernier dans la Femme sans ombre, on croyait percevoir un certain durcissement du timbre de l'AmĂ©ricaine, imputable Ă  l'endurance assassine et au personnage marmorĂ©en de la Teinturière. Finalement, la voix qu'on imaginait idĂ©ale pour les grands Wagner semble nettement moins Ă  son aise dans le caractère plus changeant, la dynamique moins cantonnĂ©e au canon Ă  dĂ©cibels d'Isolde.

    En princesse galloise, Baird expose un timbre résolument durci, privé de séduction dès que la voix donne son impressionnant volume. Plus inquiétante est l'usure du bas-médium – très sollicité au I –, qui souvent ne passe plus l'orchestre et laisse présager un véritable trou dans la tessiture. Depuis Elektra, l'instrument s'est alourdi, épaissi, moins habile à alléger, de souffle moins contrôlé, entraînant ce soir un fréquent plafonnement de l'intonation dans les tentatives de nuances – Ungeminnt.

    De surcroît, la composition, trop uniment monolithique en raison de l'univocité de l'émission, demeure loin des déchirements, des failles, de l'humanité du personnage. Si la prestation décevante de cette Isolde de glace n'est pas faiblesse d'un soir ou trac de première, elle confirme le danger, même pour des voix de cette envergure, de se limiter à ces seuls emplois de Hochdramatisch.

    Malgré une large coupure au II, le Heldentenor Alan Woodrow, d'une belle endurance mais de projection inégale, n'est pas non plus le Tristan idéal. Ligne de chant desservie par quelques ingrates voyelles latérales, le Canadien affiche surtout de considérables problèmes de justesse – les fins de phrases, systématiquement trop basses. Le Kurwenal clair-cuivré d'Oliver Zwarg, un peu vert, parvient quant à lui difficilement à masquer des aigus bien droits.

    Une Brangäne et un roi Marke d'anthologie

    En revanche, la Brangäne constamment expressive de Janina Baechle, plus fĂ©minine et rayonnante d'harmoniques que sa maĂ®tresse, dispense autant de nuances que de magnifiques envolĂ©es. Le moment dramatique le plus fort reste toutefois le monologue du roi Marke « kolossal Â» de Kurt Rydl, vibrato lâche mais grain noir des grandes basses d'antan qui est Ă  lui seul une prĂ©sence, puissance d'Ă©locution du texte donnant un poids maximal Ă  chaque reproche assĂ©nĂ© Ă  Tristan.

    Comme à son habitude, Nicolas Joel privilégie une mise en scène sobre, classique en un sens et non dénuée d'un certain esthétisme – les plates-formes triangulaires mouvantes aux teintes lave, semblables à des plaques tectoniques au I ; le ciel étoilé et les feuilles mortes au II ; le rocher suspendu au III ; la beauté des éclairages nocturnes. Seulement, les enjeux psychologiques sont à peine esquissés, et de longs tunnels dans la direction d'acteurs privent le spectacle d'une lame de fond tragique.

    © Patrice Nin

    Quand le théâtre manque sur scène, seul l'orchestre peut alors jouer le rôle de moteur dramatique. Par chance, Pinchas Steinberg confirme dans la fosse qu'il n'est jamais si inspiré qu'à Toulouse. Le vigoureux maestro gratifie les chanteurs du plus beau métier de chef rompu à l'exigence de la scène, laissant le texte s'épanouir et respirer sans jamais enliser le discours, dispensant même ponctuellement une exaltation, une électricité bien au-delà de la routine.

    Surtout, il bénéficie du magnifique instrument qu'est l'Orchestre du Capitole, dont les bois apparaissent en état de grâce – la délicatesse des flûtes, le hululement stellaire des clarinettes dans l'hymne à la nuit, la clarinette basse de toute beauté du roi Marke, le cor anglais hypnotique et terriblement désabusé du pâtre – et dont les cordes démêlent l'écheveau chromatique avec un lyrisme admirable.




    Théâtre du Capitole, Toulouse
    Le 08/03/2007
    Yannick MILLON

    Nouvelle production de Tristan et Isolde de Wagner mise en scène par Nicolas Joel et sous la direction de Pinchas Steinberg au Théâtre du Capitole de Toulouse.
    Richard Wagner (1813-1883)
    Tristan und Isolde, drame musical en trois actes (1865)
    Livret du compositeur

    Choeur et Orchestre national du Capitole de Toulouse
    direction : Pinchas Steinberg
    mise en scène : Nicolas Joel
    décors et costumes : Andreas Reinhardt
    Ă©clairages : Vincio Cheli
    préparation des choeurs : Patrick Marie Aubert

    Avec :
    Alan Woodrow (Tristan), Kurt Rydl (le roi Marke), Janice Baird (Isolde), Oliver Zwarg (Kurwenal), Janina Baechle (Brangäne), Christer Bladin (Melot / le jeune marin), Alfredo Poesina (un pâtre), Laurent Labarbe (un timonier).

     


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