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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Concert de l'Orchestre national de Lyon sous la direction de Jun Märkl, avec la participation du pianiste Jean-Yves Thibaudet à l'Auditorium de Lyon.
L'atout de la difficulté
Jun Märkl
Dans une saison centrée sur les ballets russes, l'Auditorium de Lyon ne pouvait éluder la suite de Daphnis et Chloé de Ravel, présentée ce soir aux côtés des Oiseaux exotiques de Messiaen et du Concerto en fa de Gershwin. Un programme où la difficulté d'exécution se veut un atout pour les interprètes.
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Complicité artistique
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Hommage au réalisme poétique
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On avait déjà remarqué que sous la férule de David Robertson, les musiciens de l'Orchestre national de Lyon s'imposaient comme des interprètes de premier choix de la musique du XXe siècle. Avec Jun Märkl, moins orienté pourtant vers le répertoire contemporain, l'ONL se montre tout aussi pertinent, notamment dans des Oiseaux exotiques de Messiaen de toute beauté. Dans cette partition périlleuse, l'orchestre fait preuve de coloris chatoyants et de magnifiques textures, où les doublures de bois, dans une parfaite osmose, préfigurent largement l'orchestration sublime d'un Boulez dans Répons.
Et à l'instar de Robertson, Märkl a ce même souci pédagogique de rendre l'oeuvre accessible au plus grand nombre, en prenant quelques minutes avant l'exécution pour présenter cet ouvrage difficile. Une bonne intention qui ne peut faire que davantage apprécier cette exécution d'une pièce qui s'impose alors comme un véritable joyau.
On n'en dira pas autant du Concerto en fa de Gershwin, ouvrage laborieux il est vrai, mais qui reste peu défendu par ses interprètes. Le chef allemand cadre trop l'ensemble et ne fait jamais ressortir le principal atout de cette partition, à savoir l'intégration à une écriture peu inspirée de la liberté salutaire du jazz.
En résulte une lecture corsetée concevant l'ouvrage comme une simple extension du répertoire classique, ce qui n'était pas le meilleur service à lui rendre. D'autant que le lyrisme mesuré des phrases des cordes apporte un surcroît de distance, achevant d'en brider l'expression ; tout cela en dépit d'un beau travail de masse orchestrale et d'une capacité certaine à donner à entendre un orchestre aéré et lisible dans les forte les plus accusés.
Le jeu de Jean-Yves Thibaudet se situe dans la même lignée. Très pertinent dans la jubilation sonore des Oiseaux exotiques, il ne hisse pas plus le Concerto de Gershwin à des hauteurs dignes d'intérêt. Le coloris français lui sied indéniablement mieux et la subtilité de son toucher dans certains passages de Gershwin même n'en est pas le moindre des témoignages.
De poésie et de couleurs
En deuxième partie, retour à la musique française avec la Rapsodie espagnole, répertoire qui a fait la réputation de l'ONL sous l'ère Krivine. Märkl se montre ici beaucoup plus à l'aise et sans aller jusqu'à la parfaite réussite de Messiaen, il livre un Ravel de poésie et de couleurs, apprivoisant mieux la souplesse du temps hispanique que la désinvolture du jazz.
La 2e suite de Daphnis est encore mieux sentie ; on perçoit encore davantage de maîtrise dans cette partition parmi les plus aventureuses. Plus que sur l'atmosphère, l'attention est focalisée sur la lisibilité de l'orchestre – l'acuité du discours fonctionnant alors parfaitement dans les passages plus scherzando – et sur une capacité à ne pas démesurément lâcher la bride dans les bourrasques, ici bien menées. À croire que la difficulté d'exécution des oeuvres aura décidément été ce soir un atout pour les interprètes.
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Auditorium Maurice Ravel, Lyon Le 03/03/2007 Benjamin GRENARD |
| Concert de l'Orchestre national de Lyon sous la direction de Jun Märkl, avec la participation du pianiste Jean-Yves Thibaudet à l'Auditorium de Lyon. | Olivier Messiaen (1908-1992)
Oiseaux exotiques, pour piano et petit orchestre (1955-56)
George Gershwin (1898-1937)
Concerto en fa pour piano et orchestre (1925)
Jean-Yves Thibaudet, piano
Maurice Ravel (1975-1937)
Rapsodie espagnole (1907-08)
Daphnis et Chloé, suite n° 2 (1909-12)
Orchestre national de Lyon
direction : Jun Märkl | |
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