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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de Lady Macbeth de Chostakovitch dans la mise en scène de Nicolas Brieger et sous la direction d'Alexander Lazarev au Grand Théâtre de Genève.
Lady Macbeth édulcorée
Après la réussite de la Ville Morte, le Grand Théâtre de Genève reprend la Lady Macbeth du même Nicolas Brieger. Là où le metteur en scène s'appropriait parfaitement l'univers psychanalytique et fantasmatique viennois, la noirceur et la violence du plus grand chef d'oeuvre soviétique restent en dépit de bonnes intentions insuffisamment exploitées.
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La clarté de la mise en oeuvre n'est pas la moindre des qualités d'un metteur en scène, mais on ne répétera jamais assez que l'originalité de la vision ne fait pas tout. Katerina est ici clairement présentée comme un être pour lequel le monde regretté de l'enfance a perdu toute saveur et que l'appel de la chair obsède. Le premier acte est ce constat accablant de l'ennui et de l'impossibilité de devenir femme, faute de la virilité d'un mari. Nicolas Brieger a, jusque dans la folie terminale, cette même compassion que Chostakovitch pour le sort de Katerina, victime de son statut et de la cruauté des autres, mais qui se sait aussi coupable.
La réalisation est souvent vivante et pertinente – le Pope pervers, la mascarade des pleureuses à la mort de Boris – voire habile, à l'image de cette conclusion adaptée où Katerina et Sonietka sombrent dans les profondeurs d'un lac gelé après que la glace s'est rompue sous leur poids. Mais le metteur en scène n'assume pas toute la noirceur et la violence de l'ouvrage ; où l'effroi et l'horreur devraient saisir à la gorge et culminer dans le sarcasme le plus achevé, on reste bien souvent au niveau du comique le plus inoffensif, quand celui-ci n'est pas tout simplement malvenu.
La direction musicale tombe dans le même écueil : Alexandre Lazarev délivre un travail intelligent de timbre et bien en style, avec des bois secs et parfois outrés, souvent narquois, avec aussi un lyrisme sensuel des cordes à des moments judicieusement sentis. L'orchestre se veut narratif, ironique à l'envi et le chef russe s'accommode au mieux d'un OSR à la sonorité parfois fruste. Mais là encore, la production avoue aussi ses limites : les tutti sonnent de manière brouillonne, les cuivres pétaradent comme jamais, les impairs de trompette abondent jusque dans un décalage catastrophique dans la passacaille du II. Mais ce qui dérange le plus, c'est l'absence d'une vision dramaturgique comme de tension.
Acidité pastel
Tant scéniquement qu'orchestralement, loin d'une vraie dimension tragique, ce qui pouvait choquer certains dans la Ville morte suscite ici l'amusement des mêmes, dans un ouvrage pourtant autrement violent et provocant ; ce qui devrait être frappé à coups de marteau et taillé à la faucille prend une acidité teinte pastel et l'on finit par se demander si l'on a bien affaire à une oeuvre née dans l'atmosphère délétère des années 1930, au plus fort de la montée du stalinisme.
Seuls à convaincre tout à fait, Stephanie Friede campe une Katerina aussi passionnée qu'hargneuse, sans la moindre faiblesse vocale, forte d'un vrai engagement, et Nikolaï Schukoff joue superbement les coqs jusqu'au cynisme le plus achevé. On ne peut en dire autant de Vladimir Matorin, dont le Boris pitoyable et faiblard n'a plus rien d'un tyran redoutable. Le matériau a considérablement vieilli et si l'on perçoit encore dans la voix une remarquable profondeur, le chanteur n'a ce soir plus la projection adéquate.
Quoi qu'il en soit, en restant tout à fait honnête, le reste du plateau manque souvent de puissance, et l'édulcoration générale de cette Lady Macbeth n'engendrera certainement pas le frisson.
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Grand Théâtre, Genève Le 18/03/2007 Benjamin GRENARD |
| Reprise de Lady Macbeth de Chostakovitch dans la mise en scène de Nicolas Brieger et sous la direction d'Alexander Lazarev au Grand Théâtre de Genève. | Dimitri Chostakovitch (1906-1975)
Lady Macbeth du district de Mzensk, opéra en quatre actes et neuf tableaux (1932-34)
Livret d'Alexandre Preis et Dimitri Chostakovitch d'après Nicolaï Leskov
Choeur du Grand Théâtre
Choeur Orpheus de Sofia
Orchestre de la Suisse Romande
direction : Alexandre Lazarev
mise en scène : Nicolas Brieger
décors : Mathias Fischer-Dieskau
costumes : Bettina Walter
éclairages : Simon Trottet
préparation des choeurs : Ching-Lien Wu & Krum Maximov
Avec :
Vladimir Matorin (Boris), Gordon Gietz (Zinovi), Stephanie Friede (Katerina), Nikolaï Schukoff (Sergueï), Elena Gabouri (Aksinia), Alexandre Kravets (le balourd miteux), Romaric Braun (le boutiquier), Christophe Coulier (le portier), Sanghu Lee (premier commis), Bisser Terziyski (deuxième commis / Maître d'école), Omar Garrido (troisième commis), Nicolas Carré (le meunier), Lyonel Grélaz (le cocher et l'ivrogne), Alexandre Vassiliev (le Pope), Slobodan Stankovic (un sergent de police), Aleksandar Chaveev (le sergent / le policier), Dimitri Tikhonov (le garde), Nora Sourouzian (Sonietka), Feodor Kuznetsov (un vieux bagnard), Victoria Martynenko (Une détenue). | |
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