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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Récital de la mezzo-soprano Joyce DiDonato accompagnée au piano par Julius Drake à la salle Gaveau, Paris.
Une artiste totale
Joyce DiDonato est loin d'être une inconnue, et pourtant son premier récital parisien à la salle Gaveau n'a pas fait salle comble. Paresse ou désamour du public pour un exercice d'équilibriste où la musique prime sur le spectacle ? La mezzo-soprano américaine y fait en tout cas preuve d'une maîtrise sensationnelle de son art.
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Si Paris a eu le privilège de ses débuts européens – succulente Rosine dans le Barbier arabisé par Coline Serreau –, Joyce DiDonato n'y avait encore jamais donné de récital. Dans le cadre intime, idéalement propice à l'exercice d'une salle Gaveau renouant ainsi avec sa légende, cet oubli a été réparé. On s'est donc étonné que le public, pourtant acquis à la mezzo américaine depuis ses triomphes de Garnier à Bastille, soit si clairsemé.
Son enthousiasme n'en fut que plus débordant, et surtout sincère, à une époque où le taux de remplissage conditionne davantage l'intensité des acclamations que la valeur de la prestation. Juste reconnaissance pour une artiste qui est non seulement parmi les plus attachantes, mais aussi parmi les plus fascinantes, versatiles, et surtout complètes de sa génération.
Actrice irrésistible dans la comédie et le drame, en robe comme en pantalon, technicienne époustouflante, et musicienne subtile, dotée d'une capacité proprement vertigineuse à moduler son timbre sur un souffle vecteur d'expression, Joyce DiDonato déploie une ligne toujours irradiante, sensuelle, tour à tour sculptée, gravée, colorée, estompée, ciselée, ombrée
Chaque mélodie devient dès lors un opéra miniature, où chaque inflexion nourrit le sens. À cet égard, ses Bizet immédiatement captivants ne souffrent pas un seul instant de ne pas être toujours intelligibles – des consonnes savourées n'engendrent pas systématiquement les voyelles les plus idiomatiques – tant ils frémissent et miroitent, de la suspension d'une délicate arabesque au déchirement nostalgique des Adieux de l'hôtesse arabe. Et cette variété, cette concentration se reflètent dans l'extrême agilité, et nécessité du geste, jamais redondant, qui accompagne le chant.
Ayant renoncé à l'opéra après Guillaume Tell, Rossini offre avec la cantate Giovanna d'Arco, composée à Paris en 1832, un extraordinaire condensé de son art théâtral. Au-delà de la simple virtuosité, le belcantisme de Joyce DiDonato s'exprime dès le récitatif, où les portamenti revêtent une valeur expressive autant qu'ornementale. Et l'ardeur combative de la pucelle trouve dans cette vocalité idoine – grave moelleux, médium cuivré, aigu dardé, lumineux – le gage d'une victoire certaine.
Entre Berganza et Caballé
Pour les Canciones et tonadillas d'Enrique Granados et de Manuel de Falla, tour à tour, et en savant dosage, graves, légères, insolentes, déhanchées, mais d'une constante distinction, dans l'oeillade même, la diaprure est qualité souveraine. Et l'incomparable mobilité du visage, la souplesse de l'expression s'ornent dans la texture des qualités d'une Berganza – en fermeté, en jeunesse, en esprit –, et d'une Caballé, par la douceur, l'envol d'une Nana hypnotique, rêve éveillé que l'explosion finale des Canciones negras toujours insensées de Xavier Montsalvatge interrompt avec une sauvagerie délurée.
Accompagnateur idéal, ce qui veut dire qu'au-delà du faire-valoir pianistique, il suggère, dialogue, soutient, enflamme, apaise et tempère, aussi, Julius Drake attaque en bis la Canzonetta spagnuola de Rossini, main tendue entre les deux parties du programme, dans un tempo mesuré qui en rend la progression d'autant plus palpitante. Rosine – le Barbier n'est-il pas de Séville ? – lui emboîte le pas, dans une interprétation débridée, dont l'ornementation sopranise avec une déconcertante facilité.
Et pour remercier Joyce DiDonato de la tendresse infinie avec laquelle elle nous enveloppe de la Canción de cuna para dormir a un negrito de Montsalvatge, on aurait voulu lui promettre pour son prochain récital parisien le 7 juin 2008 à l'Opéra-Comique un public non seulement amoureux, mais nombreux.
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Salle Gaveau, Paris Le 05/04/2007 Mehdi MAHDAVI |
| Récital de la mezzo-soprano Joyce DiDonato accompagnée au piano par Julius Drake à la salle Gaveau, Paris. | Georges Bizet (1838-1875)
Ouvre ton coeur (1859)
Douce mer (1866)
Pastorale (1868)
Chanson d'avril (1866)
Adieux de l'hĂ´tesse arabe (1866)
Gioacchino Rossini (1792-1868)
Giovanna d'Arco (1832)
Enrique Granados (1867-1916)
Tonadillas (1914)
Manuel de Falla (1876-1946)
Siete canciones populares españolas (1915)
Xavier Montsalvatge (1911-2002)
Cuba dentro de un piano
Punto de Habanera
Canto negro
Extraits de Cinco canciones negras (1943)
Joyce DiDonato, mezzo-soprano
Julius Drake, piano | |
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