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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création au Grand Théâtre de Genève de l'Ariane à Naxos de Strauss mise en scène par Christof Loy, sous la direction de Jeffrey Tate.
Nina Ă la rescousse
Nina Stemme (Ariane) et Stefan Vinke (Bacchus).
Franche déception que cette nouvelle Ariane à Naxos proposée par le Grand Théâtre de Genève, plombée au premier chef par la direction inerte de Jeffrey Tate, mais aussi par un plateau moyen où seule Nina Stemme offre matière à transcender la soirée. La mise en scène de fonctionnelle Christof Loy, sans attrait particulier ni faiblesse rédhibitoire, s'oublie sitôt vue.
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Ce n'est pas nouveau, Ariane à Naxos est un ouvrage particulièrement délicat à réussir : un prologue proche du débit du théâtre parlé, un opéra de demi-caractère, juxtaposant seria et buffa parfois dans un laps de temps très court, une formation orchestrale réduite à trente-huit musiciens tantôt exigeant un raffinement chambriste, tantôt devant rivaliser avec l'éloquence des grands drames straussiens.
Rares sont les chefs à avoir su rendre justice aux multiples aspects de ce kaléidoscope sonore, et le point noir de cette nouvelle Ariane genevoise est précisément la direction de Jeffrey Tate, inerte comme rarement, constamment lente et dénervée, privilégiant l'ampleur et l'imprécision d'une battue alla breve à la moindre occasion, accumulant tunnels et silences les plus vides au prologue et ne parvenant jamais à décoller dans l'opéra, peu aidée il est vrai par les timbres en niveaux de gris et les approximations de l'Orchestre de la Suisse romande. Dès lors, privée de son véritable moteur dramatique, n'importe quelle production d'Ariane peinerait à soutenir l'intérêt.
D'autant que la distribution est plutôt décevante au regard de la réputation de la maison. Katarina Karnéus est un Compositeur surdistribué, qui surnage par un beau legato et un timbre plutôt joli, mais la projection, très courte, ne masque pas quelques inégalités de registres, et un aigu constamment intoné trop haut. Surtout, la flamme intérieure, le feu sacré du personnage devant la puissance de l'acte créateur sont aux abonnés absents.
Le Maître à danser d'Olivier Ringelhahn ignore toute ironie et subtilité, réduisant un rôle de caractère à quelques aigus conquérants. Le Majordome de Wolfgang Barta, pas toujours audible et comme sous Prozac, est dénué de toute arrogance. En revanche, seule incarnation véritablement probante, le vétéran Eike Wilm Schulte est un parfait Maître de musique, diction modèle et projection idéalement percutante.
Dans l'opéra, les ensembles souffrent d'hétérogénéité – entre une Dryade au grain charnu et les vilains aigus de la Naïade d'une part, et le quatuor Commedia dell'Arte efficace mais discrédité par l'Arlequin tout engorgé de Brett Polegato – et les rôles principaux sont tenus sans éclat – la Zerbinette correcte de Jane Archibald, technique très en place mais timbre sans charme commençant à rayonner au contre-ut ; le Bacchus mieux chantant que la moyenne de Stefan Vinke, puissant, d'émission primaire mais traversée de quelques belles nuances, sacrifiant par trop d'ouverture certaines voyelles à l'approche du passage dans cet emploi proprement inchantable.
Au final, le plateau vaut surtout pour l'Ariane de luxe de Nina Stemme, authentique stature seria, tragédienne consommée à l'aigu protéiforme, de l'immatériel à l'incendiaire. Loin d'une exceptionnelle largeur, la voix est chair, parfois avec un rien trop d'enrobement dans le médium, mais le grave, plus nu, est très soigné, et le haut-médium d'une superbe qualité. Un rien hautaine, très déesse, cette Ariane tour à tour distanciée et aimante est bien l'attrait majeur de la production.
Reste la mise en scène fonctionnelle de Christof Loy, qui réussit un prologue classique, campé sur deux étages – une coursive en haut, des coulisses en bas – reliés par un ascenseur. L'opéra repose en grande partie sur l'habileté scénique de l'héroïne, pensive devant sa coiffeuse, vivant son abandon au milieu de dizaines de bougies. Sujettes à un changement de dispositif scénique à l'arrière-scène, l'arrivée de Bacchus et la scène finale autour d'une immense table dressée pour un dîner aux chandelles qui n'aura jamais lieu ne marquent guère.
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Grand Théâtre, Genève Le 19/04/2007 Yannick MILLON |
| Création au Grand Théâtre de Genève de l'Ariane à Naxos de Strauss mise en scène par Christof Loy, sous la direction de Jeffrey Tate. | Richard Strauss (1864-1949)
Ariadne auf Naxos, opéra en un acte précédé d'un prologue op. 60 (1916)
Livret de Hugo von Hofmannsthal
Coproduction avec le Royal Opera House Covent Garden
Orchestre de la Suisse romande
direction : Jeffrey Tate
mise en scène : Christof Loy
décors et costumes : Herbert Murauer
Ă©clairages : Jennifer Tipton
Avec :
Wolfgang Barta (le Majordome), Eike Wilm Schulte (le Maître de musique), Katarina Karnéus (le Compositeur), Stefan Vinke (le Ténor / Bacchus), Olivier Ringelhahn (le Maître à danser), Jane Archibald (Zerbinette), Nina Stemme (la Prima Donna / Ariane), Henrike Jacob (Naïade), Isabelle Henriquez (Dryade), Klara Ek (Echo), Brett Polegato (Arlequin), Bernard Richter (Brighella), Alexandre Kravets (Scaramouche, Martin Snell (Truffaldino), Nicolas Carré (le Perruquier), Lyonel Grélaz (l'Officier), Phillip Casperd (un laquais). | |
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