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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Récital Beethoven de Stephen Kovacevich dans le cadre de Piano**** au Théâtre du Châtelet, Paris.
Testament beethovénien
Leçon d'interprétation pour ce récital Piano**** de Stephen Kovacevich au Châtelet, dévolu aux trois dernières sonates de Beethoven. Aucune afféterie, ni artifice, ni paresse, ni surexcitation dans ces lectures à la rigueur et à la maîtrise intellectuelle confondantes de partitions parmi les plus géniales de la littérature pianistique.
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Bons baisers d’Eltsine
Chambre déséquilibrée
RĂ©gal ramiste
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Dans l'atmosphère étonnamment chambriste d'un Théâtre du Châtelet réduit aux fauteuils d'orchestre et de corbeille et plutôt clairsemé, Stephen Kovacevich fait d'abord une fausse entrée, quittant la scène sitôt après s'être aperçu que le porte-partition manque sur le piano. Une fois ce dernier installé – on se demande bien pourquoi car le pianiste allemand joue de mémoire – les douces lignes mélodiques de l'opus 109 de Beethoven commencent à s'égrener en toute délicatesse.
Rondeur absolue, suavité des attaques, halo de pédale savamment entretenu, l'heure est à la confession, à la sérénité retrouvée. Cette antépénultième sonate, plutôt secrète, permet à Kovacevich quelques magnifiques libertés, sans jamais perdre jamais comme fil d'Ariane cette rigueur de la forme et cette puissance intériorisée de l'expression qui font le sel de son intégrale discographique pour EMI.
On ne pouvait imaginer plus net contraste que le caractère frondeur, les coups de sang du Prestissimo central dont l'ardeur, la détermination rythmique seront portées au pinacle, décuplées en deuxième partie dans un premier mouvement d'opus 111 d'un dramatisme insolent, d'une sonorité d'acier trempé. Seulement entravée par un Scherzo légèrement trop épais et affaissé, l'opus 110 est l'occasion de la plus belle démonstration d'une lente et progressive montée en tension, à l'image de l'époustouflant crescendo qui clôt la fugue terminale.
Belle quadrature du cercle quoi qu'il en soit de réussir à la fois ces ineffables pianissimi, chuchotés, murmurés con dolcezza, et ces grisants coups de patte gauche sur les octaves accentuées, les sforzandi dans le grave, affirmant par là même la prééminence de l'architecture. Quel bonheur aussi d'entendre un pianiste assumer l'affirmation conclusive des cadences à une époque où la mode exige de ne jamais, selon l'expression consacrée, « écraser les toniques », quitte à ce que la détermination beethovénienne en fasse les frais !
Bien sûr, on pourrait chicaner sur cette virtuosité sans doute pas phénoménale, sur la tendance de certains traits à cavaler, d'autant que le pied droit s'appesantit souvent un rien sur la pédale, mais toujours le jeu fait sens et revêt caractère d'évidence, sans la moindre phrase anodine ni le moindre accent incongru. La plénitude polyphonique de l'Arietta qui referme l'opus 111, ses motifs tournoyants juste effleurés dans l'aigu, dans un tempo parfait – c'est-à -dire ne courant pas la poste – et cette atmosphère raréfiée sont autant de jardins suspendus dont la 5e bagatelle op. 126 donnée en bis sait prolonger l'état de grâce.
Une leçon d'interprétation, un piano d'architecture et de fulgurants contrastes, idéal face au caractère testamentaire de cette ultime « trilogie » beethovénienne.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 21/05/2007 Yannick MILLON |
| Récital Beethoven de Stephen Kovacevich dans le cadre de Piano**** au Théâtre du Châtelet, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Sonate pour piano n° 30 en mi majeur, op. 109 (1820)
Sonate pour piano n° 31 en lab majeur, op. 110 (1821)
Sonate pour piano n° 32 en ut mineur, op. 111 (1822)
Stephen Kovacevich, piano | |
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