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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital d'Alfred Brendel dans le cadre de Piano**** au Théâtre du Châtelet, Paris.
Magie viennoise
Tonalité largement viennoise pour ce magnifique récital Piano**** d'Alfred Brendel au Théâtre du Châtelet, même si toutes les oeuvres interprétées ne pas furent composées dans la capitale autrichienne. Un climat, une pensée, des couleurs pianistiques baignant dans une tradition toujours aussi magique.
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Avec Alfred Brendel, dans ce répertoire en particulier, on a toujours l'impression d'écouter la création, voire l'improvisation en direct des oeuvres jouées. Il apporte une telle vie au langage musical que nous avons l'illusion de l'entendre naître dans l'instant. Et pourtant, du même coup, nous sommes conscients de l'extraordinaire sophistication de cette approche, du travail de réflexion préalable et de l'immense accumulation de culture inhérents à de telles interprétations.
C'est d'ailleurs la cohabitation permanente avec cette culture qui permet au pianiste de vivre ces musiques de manière aussi naturelle et de nous les délivrer avec une telle apparence de spontanéité. Avec Brendel, la musique parle. Chaque phrase se déroule dûment modelée, ciselée par une infinité de nuances d'une subtilité bouleversante, par des myriades d'accents qui viennent sans cesse relancer le propos, le structurer, quels que soient le tempo, l'intensité du son, comme dans la bouche de quelque fabuleux conteur qui emporte notre imagination vers des régions où règnent tous les rêves, où s'épanouit notre sensibilité.
Alors, l'univers de chaque compositeur s'affirme avec la plus convaincante exactitude, de manière indiscutable, sans nous priver de l'impression d'une découverte sans fin. Qu'il s'agisse de l'opulente Sonate en ut mineur Hob. XVI de Haydn, parfaite comme entrée en matière, de la souvent ténébreuse Sonate op. 110 de Beethoven, des 1er et 3e impromptus op. 142 de Schubert, ou de la magistrale Sonate en ut mineur K. 457 de Mozart, nous sommes au coeur de cette pensée musicale viennoise dont la vitalité et la profondeur furent l'élément dynamique déterminant qui engendra tant d'oeuvres et fit évoluer tant de formes.
Brendel sait mieux que quiconque user de la fluidité et de la fermeté sans hargne d'un toucher miraculeusement poétique pour recréer ces climats très subtils où l'angoisse, l'introspection, la nostalgie et, à l'occasion, un certaine gaîté – pourquoi pas ? – alternent, se confondent ou se confrontent sans se départir d'une sorte d'élégance un peu distanciée qui n'est pas encore le grand déploiement de vague à l'âme du romantisme plus tardif.
L'univers de Schubert, avec sa souffrance si obsédante et si discrète, comme si le compositeur voulait s'excuser d'avoir mal à l'âme et s'efforcer de nous rendre présentable son intolérable désarroi, a toujours convenu mieux que tout autre – sauf peut-être celui de Mozart – à Brendel. Les deux impromptus inscrits au programme sont des instants d'une émotion contenue mais communicative comme on en vit rarement au concert. Mais il est vrai qu'on serait tenté de dire la même chose de la sonate de Beethoven et de celle de Mozart !
Toujours aussi somnambulique dans sa démarche en entrant et en sortant de scène, l'air enfin heureux quand il salue sous les acclamations, Alfred Brendel est plus que jamais ce maître irrésistible vers lequel on retourne pour faire le point sur soi-même, sur l'art du piano, sur la vérité des oeuvres qu'il joue.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 29/05/2007 Gérard MANNONI |
| Récital d'Alfred Brendel dans le cadre de Piano**** au Théâtre du Châtelet, Paris. | Haydn, Beethoven, Schubert, Mozart
Alfred Brendel, piano | |
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