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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création de Faust de Philippe Fénelon dans la mise en scène de Pet Halmen et sous la direction de Bernhard Kontarsky au Théâtre du Capitole de Toulouse.
Une liberté à conquérir
Après la création du Faustus de Pascal Dusapin et avant la première européenne de Doktor Atomic de John Adams ce mois-ci à Amsterdam, le Théâtre du Capitole de Toulouse crée le Faust de Philippe Fénelon d'après Nikolaus Lenau. Spectacle à la richesse visuelle rare, la mise en scène et la musique demeurent néanmoins en deçà de l'ambition et de la force du sujet.
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La terre est un pays de nostalgie. C'est sur ces mots que s'achève le Faust de Philippe Fénelon donné en création mondiale au Théâtre du Capitole de Toulouse. Nostalgie musicale assurément, tant le compositeur français y renoue avec un langage hérité de Strauss et de Berg, mais également coeur et raison d'être d'un ouvrage travaillé par l'Histoire musicale.
Basé sur le texte méconnu en France de Nikolaus Lenau, l'opéra, chanté en allemand, narre en deux actes le pacte diabolique de façon délibérément démonstrative. Dès la deuxième scène, Méphisto y annonce la trajectoire exemplaire du rôle-titre et durant deux heures Faust subira le sort attendu en une suite d'épisodes contrastés – scène de la forge, procession nocturne évoquant Bach et Wagner, tempête en mer – où les personnages apparaissent comme des fantoches pris sous la coupe du Malin.
Il est tout à l'honneur du Théâtre du Capitole d'avoir créé ce Faust avec le luxe de moyens dont il est coutumier, concernant les éclairages, les costumes, les décors – splendides plâtres de cadavres – et les maquillages, car voilà un spectacle d'une richesse visuelle rare, aux enchaînements cinématographiques qui désamorcent le statisme de certains dialogues et impriment la rétine. La mise en scène de Pet Halmen musèle néanmoins la métaphysique du texte, emblématique du romantisme allemand, par une direction d'acteurs très bande dessinée et des effets visuels au grotesque parfois pesant – allusions au nazisme, pyrotechnies.
Dans la fosse, Bernhard Kontarsky, qui après l'Autre côté de Bruno Mantovani ou les Nègres de Michaël Lévinas semble se spécialiser dans la création d'opéras de compositeurs français, dirige un Orchestre du Capitole très assuré et un excellent Choeur, à qui le compositeur des admirables Madrigaux d'après Rilke a réservé le meilleur de sa plume. Le ténor Arnold Bezuyen est un Faust à la grande présence vocale et théâtrale mais aux aigus défaillants ; au sein d'une équipe particulièrement engagée dans le projet, on distinguera également le solide Méphistophélès de Robert Bork et le précis Görg de Gilles Ragon.
Depuis toujours, la question de la tonalité est au centre des préoccupations de Fénelon. De nombreuses effluves de musiques du passé affleurent ainsi dans son Faust ; à l'aide d'un imposant instrumentarium, incluant entre autres un orgue, un piano, un accordéon, il empoigne plusieurs siècles de musique et de chant. Mais sa musique riche et efficace a parfois du mal à conquérir la liberté qu'elle réclame.
Cette tension irrigue textuellement le livret de son Faust – celui qui perd sa candeur ne peut se contenter d'un air de viole – et facilite la métaphore que l'on peut opérer entre le personnage et le compositeur. Certaines scènes jouent avec une consonance qui se situe toujours, au corps défendant du compositeur, dans une optique ambiguë ou grinçante, comme mise à mal par l'œil et l'oreille destructrice du Malin.
Les tableaux les plus réussis sont ainsi ceux où Fénelon juxtapose ouvertement des éléments hétérogènes, telles une Fête orchestrée par le Diable ou encore la scène finale, où un tragique Lacrymosa s'associe à un puissant climax postromantique. Talentueux compositeur du bariolage, Fénelon réussit alors une synthèse personnelle où les langages se côtoient et gagnent leur liberté l'un à côté de l'autre. Trop rarement néanmoins, le spectateur s'extirpe de ce jeu spirituel de références musicales et à l'exception d'un mystérieux interlude électronique, convoqué sans sommation au premier acte pour une impressionnante descente aux enfers, on peine à être submergé par la puissance de l'intrigue.
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Théâtre du Capitole, Toulouse Le 01/06/2007 Laurent VILAREM |
| Création de Faust de Philippe Fénelon dans la mise en scène de Pet Halmen et sous la direction de Bernhard Kontarsky au Théâtre du Capitole de Toulouse. | Philippe Fénelon (*1952)
Faust, opéra en deux actes
Livret du compositeur d'après Nikolaus Lenau
Choeur et Orchestre National du Capitole de Toulouse
direction : Bernhard Kontarsky
mise en scène, décors, costumes, éclairages : Pet Halmen
préparation des choeurs : Patrick Marie Aubert
Avec :
Arnold Bezuyen (Faust), Robert Bork (Méphistophélès), Gilles Ragon (L'homme / Görg), Patrick Simper (Wagner / le moine), Philippe Fourcade (le forgeron), Christer Bladin (le duc / le capitaine), Alexandra Coku (La femme du forgeron / la princesse), Karolina Andersson (Annette), Johan Christensson (Kurt), Kim Schrader (Hans), Michael Nelle (Michel), Silvia Weiss (Käthe), Cécile Galois (Süschen), Fenna Ograjensek (Lieschen). | |
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