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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital du contre-ténor Christophe Dumaux accompagné par les Folies Françoises sous la direction de Patrick Cohën-Akenine à la Basilique de Saint-Denis.
Christophe Dumaux Ă nu
S'il n'a pas, en France, le prestige d'un Philippe Jaroussky, Christophe Dumaux a su conquérir les plus grandes scènes dans des rôles de caractère. Dans un programme Bach accompagné par des Folies Françoises curieusement amorphes, le jeune contre-ténor a prouvé qu'il était bien plus que le Tolomeo virevoltant du Jules César de Haendel vu par David McVicar.
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De son propre aveu, Christophe Dumaux est un contre-ténor de théâtre. Et il est vrai que sa présence scénique évidente, insolente, virevoltante a pu occulter, dans des productions aussi acrobatiques que le Giulio Cesare de Haendel mis en scène par David McVicar, ses qualités vocales et musicales. L'exercice du récital, qu'il pratique peu, et peut-être plus encore de la musique de Bach, qui exige de l'interprète une tenue instrumentale irréprochable, les met à nu, et révèle, enfin, la lumière d'un timbre jusqu'alors cantonné dans les rôles de mauvais garçons.
Certes, Christophe Dumaux n'est ni plus ni moins alto que la plupart des falsettistes, mais il fait preuve d'une belle maîtrise de l'ambitus parfois tendu des cantates BWV 170 et BWV 35. Il ne peut non plus rivaliser avec Andreas Scholl, qui en signait voici dix ans avec Philippe Herreweghe une version de référence, en terme d'homogénéité vocale, dès lors qu'il révèle sous la pression satanique du récitatif un métal trémulant que son aîné n'osait pas, mais il sait suffisamment varier l'émission, pour ainsi dire l'épurer, jusqu'à l'épanouissement d'un aigu d'opale au frémissement délicat que l'hystérie acidulée de son Tolomeo haendélien ne laissait présager.
Le contre-ténor français n'en est pas moins loin de s'angéliser, et aborde Bach avec une vigueur d'accent, osons dire virile, qui contraste avec une tradition d'interprétation éthérée sous fallacieux prétexte de sacralisation. Sans doute la fréquentation du théâtre donne-t-elle à sa déclamation ce mordant, rare dans sa catégorie vocale, qui prend soin de n'éluder aucune consonne, mais bien plutôt d'y prendre les appuis de la phrase musicale, sans que la ligne ne vienne pour autant s'y briser. Cette attention aux mots rend parfaitement le rapport du fidèle à sa foi, jusqu'à l'aspiration au repos éternel que portent ces cantates.
Loin des falsettistes mollassons
Bien qu'il prétende aux rôles de contralto les plus graves du répertoire, auxquels son tempérament le prédestine d'ailleurs davantage que sa voix, et préfère les planches au cérémonial du concert, Christophe Dumaux a assurément bien plus à exprimer dans Bach que nombre de falsettistes mollassons qui s'en sont fait une spécialité, pour ne rien dire de cette cohorte de mezzo-sopranos qui polluent chaque année le temps des Passions de leurs graves inconsistants, et de leurs phrasés trop bien élevés.
À cet égard, les Folies Françoises ne sont guère en phase avec le chanteur. Du strict point de vue musicologique, Bach interprété à un par partie, soit un maximum de onze musiciens, n'est certes pas récusable, mais la Basilique de Saint-Denis s'y prête d'autant moins que les cordes anémiques de l'ensemble de Patrick Cohën-Akenine, qui ont en d'autres occasions fait preuve de plus de vitalité, ne peuvent rivaliser avec des hautbois acidulés, d'une justesse et d'une souplesse fluctuantes.
Cet effectif chambriste apparaît de surcroît en contradiction avec une approche qui doit davantage au style ronflant de Raymond Leppard qu'aux lectures décapantes de Reinhard Goebel – les nostalgiques s'en réjouiront –, particulièrement dans l'Ouverture de la Suite en ut majeur BWV 1066. Mais si la reprise de la première Bourrée s'ébroue, l'air Vergnügte Ruh', beliebte Seelenlust frôle l'immobilité, et tourne à l'épreuve de souffle pour Christophe Dumaux.
C'est en vain que Maude Gratton tente depuis l'orgue d'accélérer le mouvement, mettant quelques traits en péril, tandis que durant le Concerto et la Sinfonia de la cantate Geist und Seele wird Vewirret, le contre-ténor semble de tout son corps vouloir donner du relief aux phrasés émollients d'un ensemble que même le joyeux Alleluia de l'air Ich wünsche mir, bei Gott zu leben ne peut extraire d'une inhabituelle torpeur.
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Basilique, Saint-Denis Le 20/06/2007 Mehdi MAHDAVI |
| Récital du contre-ténor Christophe Dumaux accompagné par les Folies Françoises sous la direction de Patrick Cohën-Akenine à la Basilique de Saint-Denis. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Ouverture en ut majeur, BWV 1066
VergnĂĽgte Ruh', beliebte Seelenlust, Cantate BWV 170 (1726)
Geist und Seele wird verwirret, Cantate BWV 35 (1726)
Christophe Dumaux, contre-ténor
Les Folies Françoises
direction : Patrick Cohën-Akenine | |
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