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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Walkyrie de Wagner mise en scène par Stéphane Braunschweig et sous la direction de Sir Simon Rattle au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence.
Drame bourgeois chez les dieux
Eva-Maria Westbroeck (Sieglinde) et Robert Gambill (Siegmund).
Le Festival d'Aix-en-Provence est entré dans une ère nouvelle. Bernard Foccroule a succédé à Stéphane Lissner. Il poursuit le Ring initié par son prédécesseur avec la Philharmonie de Berlin sous la direction de Simon Rattle. Après l'Or du Rhin l'an passé sous les étoiles de l'Archevêché, un nouveau théâtre est né. Il accueille la Walkyrie pour un triomphe.
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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
Le 29/06/2007
Nicole DUAULT
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Bons baisers d’Eltsine
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Le Grand Théâtre de Provence est couvert de dalles ocre-rosé, couleur d'Aix-en-Provence. Cela n'en fait pas pour autant un monument d'architecture. Même surmonté de quelques arbres, le nouveau théâtre ne possède ni la magie de l'Archevêché, ni la hardiesse du bâtiment créé à quelques dizaines de mètres de là par le génial Ricotti pour le chorégraphe Angelin Preljocaj.
Il s'agit d'un lieu couvert et donc à l'abri des intempéries qui ont si souvent tourmenté le festival le plus célèbre de France. La salle de 1350 fauteuils rouges n'offre guère de charme. On est simplement bien assis dans des sièges larges, permettant aux grands de s'installer à l'aise. L'affaire primordiale reste toutefois bien entendu l'acoustique.
Ce n'est certainement pas à l'issue d'une représentation qu'on peut totalement en juger. Il faudra plus de temps. Rattle et son orchestre sont des musiciens si experts qu'ils savent instinctivement apprivoiser les lieux les plus rebelles. Certes, lors de cette première de la Walkyrie, on entend un peu trop les cuivres, notamment en haut du parterre, aux places les plus éloignées de la scène. Les murs de la salle sont en boiseries qui projettent trop le son.
Elle était très attendue, cette Walkyrie, autant pour la partie musicale que pour la mise en scène. Stéphane Braunschweig, directeur du Théâtre national de Strasbourg, avait imaginé dès l'Or du Rhin de se placer dans l'espace mental de Wotan. Le dieu est plongé dans un imaginaire qui lui échappe. Pendant une grande partie du premier acte, Wotan se tient debout auprès d'une serre translucide où il observe de l'extérieur ce qui doit être un fantasme, l'amour incestueux de ses enfants, les jumeaux Sieglinde et Siegmund.
Coup de tonnerre : la semonce de la mégère qu'est Fricka. Wotan a si peur de la fureur de sa femme qu'il va se cacher sous la table. Le drame bourgeois n'est pas loin ! Wotan va de l'exaltation à la dépression quand il sent le destin du monde le fuir en même temps que ses enfants refusent de lui obéir.
Avec des moyens fort simples, minimalistes, Braunschweig réussit des tableaux puissants, parmi lesquels la chevauchée : sur un grand escalier, les Walkyries, amazones casquées d'argent mais sans chevaux, gravissent les marches en tirant des guerriers morts. Autre instant de grâce dans la direction d'acteurs : la relation père-fille entre Wotan et Brünnhilde. Jamais la tendresse dans la punition inéluctable n'a paru atteindre un tel degré dans l'émotion.
Ce que l'on retient cependant d'abord de cette magnifique Walkyrie, c'est la tension de l'orchestre, et la maîtrise de Rattle. Peu de lectures ont su exprimer à ce point la subtilité et l'énergie de la partition. Le chef britannique, dans un souci acoustique, avait demandé une fosse très basse. Peut-être imaginera-t-il l'an prochain pour Siegfried un orchestre sous la scène comme à Bayreuth ? Car quelques améliorations acoustiques sont nécessaires, même si Rattle n'a jamais écrasé le plateau.
La superbe Sieglinde d'Eva-Maria Westbroek
Le Wotan de Willard White est de bout en bout impressionnant autant dans la majesté que dans l'angoisse voire la déprime qu'il affecte. La voix apparaît toutefois souvent un peu fatiguée, mais cela lui donne une grandeur supplémentaire qui colle parfaitement avec les intentions du metteur en scène. Magnifique également, le Hunding de la basse russe Mikhail Petrenko, 30 ans à peine, à l'aube d'une carrière prometteuse.
Robert Gambill était Loge dans Rheingold avant de chanter ce soir un beau et vaillant Siegmund. Ovation pour la Fricka de Lili Paasikivi et surtout l'incomparable Sieglinde d'Eva-Maria Westbroek, décidément l'un des sopranos lyriques les plus en vue et les plus accomplis du moment. Seule minime déception, la ravissante Brünnhilde d'Eva Johansson, qui trahit quelques signes d'épuisement en fin de représentation. Il faut dire que Rattle prend son temps, au point de faire durer la Walkyrie un bon quart de plus que la moyenne. Sans doute une manière de prolonger le rêve de Wotan, et le nôtre
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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence Le 29/06/2007 Nicole DUAULT |
| Nouvelle production de la Walkyrie de Wagner mise en scène par Stéphane Braunschweig et sous la direction de Sir Simon Rattle au Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence. | Richard Wagner (1813-1883)
Die Walküre, première journée du drame scénique Der Ring des Nibelungen (1870)
Livret du compositeur
Coproduction avec le Festival de Pâques de Salzbourg
Berliner Philharmoniker
direction : Sir Simon Rattle
mise en scène et décors : Stéphane Braunschweig
costumes : Thibault Vancraenenbroeck
Ă©clairages : Marion Hewlett
Avec :
Robert Gambill (Siegmund), Mikhail Petrenko (Hunding), Sir Willard White (Wotan), Eva-Maria Westbroek (Sieglinde), Eva Johansson (Brünnhilde), Lili Paasikivi (Fricka), Joanna Porackova (Gerhilde), Elaine McKrill (Ortlinde), Julianne Young (Waltraude), Andrea Baker (Schwertleite), Erika Sunnegårdh (Helmwige), Heike Grötzinger (Siegrune), Eva Vogel (Grimgerde), Annette Bod (Rossweisse). | |
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