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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production des Maîtres chanteurs de Wagner mise en scène par Katharina Wagner et sous la direction de Sebastian Weigle au festival de Bayreuth 2007.
Bayreuth 2007 (6) :
Le prix de l'irrévérence
Ambiance électrique sur la Colline à l'issue des Maîtres Chanteurs de Katharina Wagner, possible héritière des lieux dont la lecture décapante, tout en irrévérence, déclenche une petite bataille d'Hernani, entre bravi frénétiques et bronca. Huées aussi pour le chef, Eva et Sachs. Décidément, à Bayreuth, on ne badine pas avec les Maîtres.
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Si dans la plupart des salles d'opéra, on applaudit aujourd'hui poliment, les passions savent encore se déchaîner à Bayreuth, où la nouvelle mise en scène des Maîtres chanteurs, confiée à Katharina Wagner, fille cadette de Wolfgang, a déclenché une bataille rangée dans une salle survoltée, entre bronca impitoyable et ovation à tout rompre.
Pour Katharina, qui a de surcroît l'outrecuidance, à tout juste 29 ans, de se présenter aux saluts avant le chef avec un sourire intarissable, c'était le prix de l'irrévérence à payer. À l'heure où son père, bientôt âgé de 88 ans, songe fortement à installer sa petite dernière sur son fauteuil, l'arrière-petite-fille de Richard Wagner, à l'occasion d'un véritable baptême du feu, a fortement bousculé la paisible tradition des Meistersinger.
Au-delà d'une indéniable dimension provocatrice, on ne peut s'empêcher d'éprouver de la sympathie pour cette manière de questionner l'ouvrage, de le secouer de quarante années de torpeur et de certitudes. Surtout, si la mise en scène dans son ensemble avait été du niveau du premier acte, on aurait sans doute tenu une production phare.
Car le I offre les plus belles promesses, avec son Eva et sa Lene en soeurs jumelles de comédie musicale, délurées et fofolles ; son Walther infiniment artiste, cheveux mi-longs, chemise ouverte et lunettes noires sur la tête, sortant de la queue d'un piano dont il jouera jusqu'à en décrocher le clavier ; ses apprentis façon petits écoliers clonés, fanatiques du protocole ; son Sachs pieds nus – un comble pour un cordonnier – excentrique et décontracté, barbé par la rigidité de la Guilde ; sa présentation des règles de la tablature sur rétroprojecteur ; son examen de chant joué en une épreuve de puzzle que Walther assemblera forcément à l'envers.
Une direction d'acteurs impertinente, une pertinente occupation de l'espace scénique font qu'on attend la suite avec d'autant plus d'impatience. Las, hormis l'ardeur de la relation entre Eva et Sachs, soulignée par la métaphore éjaculatoire d'un immense jet de champagne, le II, étrangement statique, ne propose rien de neuf, virant même à la modernité trash et intello du Regietheater dans une émeute finale sans rythme, où l'on se contente de se balancer des seaux de peinture à la figure.
Après une première moitié de III bien menée mais bien sage, la Festwiese part en tous sens, parfois dans l'esprit du sabotage, avec chorégraphies salaces, autodafé et immolation des icônes-statues de la culture germanique. Walther se voit remettre un chèque de la Nürnberger Bank pour sa victoire, devant les sautillements d'une Eva surexcitée par l'appât du gain, puis le dernier monologue de Sachs prend des allures de veillée funèbre. Pléthore d'idées et de trouvailles ; mais sans doute trop d'effets gratuits, de directions différentes, et au final un manque total de structuration.
Une exécution musicale indigne de Bayreuth
L'autre effronterie de la soirée, tout aussi sévèrement sanctionnée par le public, est une exécution musicale tout à fait indigne de Bayreuth. Fausse à hurler dans le quintette, l'Eva d'Amanda Mace n'est que sons pincés, aigus droits et durs. Elle ne s'attardera guère aux saluts devant les huées qui l'attendent, tout comme le Sachs plébéien de Franz Hawlata, pourtant si réussi scéniquement, qui connaît un véritable naufrage : voix de basse d'opérette, truculente, aux aigus escamotés, baron Ochs échoué en Franconie, qui arrive à la fin de Wahn avec un vilain couac sur le Johannistag pianissimo, qui aboie un dernier monologue maltraité comme rarement.
Qu'importent alors un honorable David, un Pogner qui assure les notes sinon une quelconque fibre paternelle, un Kothner à la vocalise plutôt en place, car le seul salut viendra du Walther belcantiste de Klaus Florian Vogt, d'une lumière parfois trop immatérielle mais d'une remarquable qualité de ligne. Même le Beckmesser de Michael Volle fait les frais de son entourage, artiste intelligent, grande voix mais trop sombre, de déclamation comme de timbre pas assez percutants, et sans la aigu.
La faute en incombe aussi à la direction de Sebastian Weigle, qui en dépit de quelques sporadiques énergies, manque de nuances et aligne les imprécisions et les tunnels, notamment dans des scènes de foule copieusement plombées – une fin de II en déconfiture, tout en décalages et en mollesse ; une Festwiese dont la grisaille contaminera jusqu'à des chœurs parfois poussifs. Non, décidément, c'était trop d'irrévérence pour les nouveaux Maîtres chanteurs de Bayreuth !
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Festspielhaus, Bayreuth Le 16/08/2007 Yannick MILLON |
| Nouvelle production des Maîtres chanteurs de Wagner mise en scène par Katharina Wagner et sous la direction de Sebastian Weigle au festival de Bayreuth 2007. | Richard Wagner (1813-1883)
Die Meistersinger von Nürnberg, comédie en trois actes (1868)
Livret du compositeur
Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
direction : Sebastian Weigle
mise en scène : Katharina Wagner
décors : Tilo Steffens
costumes : Michaela Barth
éclairages : Andreas Grüter
préparation des choeurs : Eberhard Friedrich
Avec :
Franz Hawlata (Hans Sachs), Artur Korn (Veit Pogner), Charles Reid (Kunz Vogelgesang), Rainer Zaun (Konrad Nachtigall), Michael Volle (Sixtus Beckmesser), Markus Eiche (Fritz Kothner), Edward Randall (Balthasar Zorn), Hans-Jürgen Lazar (Ulrich Eisslinger), Stefan Heibach (Augustin Moser), Martin Snell (Hermann Ortel), Andreas Macco (Hans Schwarz), Diógenes Randes (Hans Foltz), Klaus Florian Vogt (Walther von Stolzing), Norbert Ernst (David), Amande Mace (Eva), Carola Gruber (Magdalene), Friedemann Röhlig (Ein Nachtwächter). | |
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