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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Concert des Wiener Philharmoniker sous la direction de Daniel Barenboïm au festival de Lucerne 2007.

Lucerne 2007 (7) :
Héritage et tradition

© Georg Anderhub

Pour ce programme de grand répertoire au festival de Lucerne, Daniel Barenboïm se fait le héraut de la tradition dans une 5e symphonie de Schubert du plus parfait classicisme viennois et dans une Romantique de Bruckner dans la droite lignée de l'héritage furtwänglerien. Du grand art, par-delà les modes, porté par un incontestable savoir-faire.
 

Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern
Le 11/09/2007
Yannick MILLON
 



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  • Nettement plus probant à la tête du Philharmonique de Vienne ce soir qu'hier au piano dans un 1er concerto de Bartók d'une digitalité douteuse, Daniel Barenboïm apparaît sous son meilleur jour dans un programme qui lui permet d'illustrer à l'envi tout son savoir-faire et sa générosité sonore.

    Petit moment d'apesanteur d'abord avec une 5e symphonie de Schubert miraculeuse, viennoise au-delà de l'imaginable, tout en légereté, en vivacité des tempi, en idéalité des dosages, et survolée par la flûte de la plus belle sveltesse de Dieter Flury. Si le mouvement lent laisse parfois filtrer un sfumato pré-brahmsien, l'orchestre, en état de grâce, donne l'impression de dominer la partition de son alpha à son oméga.

    Après une pause qui permet, dans la douceur de la fin d'été, de profiter sur la terrasse du KKL de l'air frais du lac des quatre cantons, on aborde la 4e symphonie de Bruckner en toute confiance. Comme dans son jardin, le chef israélien se fait ici l'apôtre, l'héritier direct des lectures de Furtwängler, dont il reprend jusqu'à certaines spécificités – tel accent forte des basses, telle suspension inattendue.

    Du grand maître allemand, Barenboïm a surtout retenu un Bruckner ultra-mouvant d'agogique, de perpétuelle avancée, comme sur des plaques tectoniques, d'une conception organique généralement délaissée par les chefs d'aujourd'hui pour une pulsation plus stable et de minimes variations de tempo. On en retrouve aussi les accelerandi dans les transitions rythmiques, dans les tutti répétitifs, et l'alanguissement, le calando, l'élévation spirituelle des passages à orchestration plus ténue.

    Surtout, les Viennois reconquièrent les qualités de ce Bruckner en voie de disparition en deux coups d'archets et s'illustrent dans des soli de toute beauté. On retiendra tout particulièrement la prestation d'un nouveau jeune corniste qui a toutes les chances d'obtenir sa titularisation à l'issue de sa période d'essai, tant son appel introductif sonne limpide, souverain d'embouchure, avec cette suavité des attaques, cette douceur du timbre qui pourrait être d'un cornet à bouquin, et cette plénitude du fortissimo qui n'appartient qu'aux maîtres du cor à piston viennois.

    Épopée littéraire

    De la cantilène des altos dans le mouvement lent à la chasse chauffée à blanc du Scherzo, des évocations de la nature haut-autrichienne du Trio aux mystères de la forêt du Finale, de l'ampleur celibidachienne du thème de choral à des interventions d'un groupe de cuivres acéré et bien en dehors, des sphères sonores des flûtes et hautbois à la présence discrète et toujours sous-jacente, parfois inquiétante des contrebasses, on suit cette Romantique passionnante d'un bout à l'autre comme une épopée littéraire.

    La dernière fois que nous avions entendu Barenboïm diriger dans cette salle était déjà un 11 septembre, celui, tristement célèbre, de 2001, quand le chef israélien était venu conduire le Chicago Symphony dans une 7e de Mahler finalement jouée malgré les événements de New York. L'ambiance mortifère de cette exécution précédée, à la demande des musiciens, par l'hymne américain et une minute de silence, est encore très présente dans l'esprit de ceux qui l'ont vécue. Par décence, nous n'avions pas souhaité écrire sur ce concert.

    Six ans plus tard, nous sommes heureux de retrouver dans des circonstances purement musicales le fondateur du West-Eastern Divan Orchestra, à la même date et dans les mêmes lieux, pour une prestation de la plus belle qualité, même si, immanquablement, la ville charmante de Lucerne et son auditorium idéal garderont à jamais pour Barenboïm comme pour nous une indélébile amertume.




    Konzertsaal, Kultur- und Kongresszentrum, Luzern
    Le 11/09/2007
    Yannick MILLON

    Concert des Wiener Philharmoniker sous la direction de Daniel Barenboïm au festival de Lucerne 2007.
    Franz Schubert (1797-1828)
    Symphonie n° 5 en sib majeur, D. 485 (1816)

    Anton Bruckner (1825-1896)
    Symphonie n° 4 en mib majeur WAB. 104, « romantique Â» (1878)
    Version de 1878-1880

    Wiener Philharmoniker
    direction : Daniel Barenboïm

     


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