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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Concert de rentrée de l'Orchestre National de France sous la direction de Kurt Masur, avec la participation du violoniste Joshua Bell au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
La dernière rentrée parisienne de Kurt Masur
Pour l'ouverture de la saison 2007-2008 du National, Kurt Masur, qui fêtait son quatre-vingtième anniversaire, avait associé deux compositeurs jalonnant son parcours personnel : Mendelssohn pour Leipzig, Dvořák pour New York. Dommage que le violoniste invité, l'Américain Joshua Bell, n'ait pas la même simplicité d'approche que le chef allemand.
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Au Conservatoire de Leipzig, Kurt Masur vouait déjà à Felix Mendelssohn une admiration qui ne s'est jamais démentie, en particulier lorsqu'il accéda un siècle et demi après le génial compositeur à la tête du même Orchestre du Gewandhaus dont il veillera aux destinées de 1970 à 1996. Il était d'une logique imparable que, pour fêter son quatre-vingtième anniversaire à Paris avec son Orchestre National de France, il rende encore une nouvelle fois hommage à celui qui a tant fait pour la musique à l'époque du Romantisme.
L'ouverture de Ruy Blas d'après la pièce de Victor Hugo donnée en début de concert est une rareté que peu de chefs d'orchestre ont à leur répertoire. Toutefois, malgré la conduite ardente et vigoureuse que lui imprime Masur, son intérêt est plus événementiel que dramatique. Avec le célèbre Concerto pour violon en mi mineur, la partie est d'une autre dimension. Le soliste désormais chevronné et adulé n'a aucune difficulté à s'imposer techniquement et l'accompagnement sait se faire tour à tour enveloppant, engageant, offrant ainsi à Joshua Bell un écrin dont, à vrai dire, il ne tire pas musicalement son épingle du jeu.
Malgré la limpidité de la sonorité, l'aisance dont il fait preuve – Allegro molto vivace final –, on reste de marbre face à une prestation plus décorative que sentie, plus démonstrative que sensible, et la première cadence de l'Allegro molto appassionato initial dont il est l'auteur n'apporte rien à la palpitation, au lyrisme et à la mélancolie qui doivent se dégager au fil du texte. Immense violoniste, Joshua Bell semble plus possédé par le beau (Andante) que par la fêlure de l'âme – celle de Menuhin, de Milstein
– ou l'embrasement sulfureux – celui d'Heifetz.
Après l'entracte, Masur rappelle avec la Symphonie du nouveau monde de Dvořák qu'il fut aussi américain après la chute du Mur de Berlin (à laquelle d'ailleurs, par son action à Leipzig, il a contribué) lorsqu'il occupa le poste de directeur musical de l'Orchestre Philharmonique de New York de 1991 à 2002.
Son interprétation ne peut en aucune manière se comparer aux versions qui parlent dans leur arbre généalogique – Talich, Ancerl, Smetacek, Neumann, Kubelik –, mais privilégie, par rapport à la structure dramatique et à la vitalité rythmique, une succession de moments d'une poésie parfois envoûtante – les interventions pastorales des flûtes de Philippe Pierlot et Michel Moraguès, du cor anglais dans le Largo – ou d'une puissance impressionnante – Allegro con fuoco final.
Il semble pourtant que l'unité de l'oeuvre soit éclipsée par l'impressionnisme d'une conception que l'on retrouve dans la Danse slave op. 72 n° 2 accordée en bis à un public enthousiaste. Dans le Questionnaire de Proust inclus dans le superbe programme édité à l'occasion de cette manifestation festive, le chef répond que sa vertu préférée est la persévérance, et la sincérité ce qu'il apprécie le plus.
Avec l'Orchestre National de France depuis sa nomination en septembre 2002, son action est placée incontestablement sous le signe de ces valeurs.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 13/09/2007 Michel LE NAOUR |
| Concert de rentrée de l'Orchestre National de France sous la direction de Kurt Masur, avec la participation du violoniste Joshua Bell au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Felix Mendelssohn (1809-1847)
Ruy Blas, ouverture op. 96 (1839)
Concerto pour violon et orchestre en mi mineur op. 64 (1845)
Joshua Bell, violon
Antonin Dvořák (1841-1904)
Symphonie n° 9 en mi mineur op. 96, « du nouveau monde » (1893)
Orchestre National de France
direction : Kurt Masur | |
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