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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d'Ariodante de Haendel mise en scène par Pierre Strosser et sous la direction de Kenneth Montgomery au Grand Théâtre de Genève.
Ariodante in progress
Joyce DiDonato (Ariodante)
L'affiche était des plus exaltantes, à l'instar de toutes celles concoctées par Jean-Marie Blanchard. Pourtant, la nouvelle production d'Ariodante présentée au Grand Théâtre de Genève sombrerait dans les abîmes de l'ennui si Joyce DiDonato n'y relevait, comme à l'insu de la non-mise en scène de Pierre Strosser et d'un orchestre émollient, le défi du rôle-titre.
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Il faut se méfier des metteurs en scène qui affirment, comme l'a fait Pierre Strosser dans un entretien accordé au journal le Temps daté du 10 novembre, qu'« une mise en scène qui ne s'oublie pas n'est pas une mise en scène ». C'est qu'ils ont quelque chose à se faire pardonner. On peut également lire dans ce même entretien qu'« il n'y a rien à raconter d'Ariodante » ou encore que « l'histoire d'Ariodante n'a aucune importance en dehors du canevas qu'elle donne ».
Tout cela résume assez bien l'esprit dans lequel le metteur en scène français a porté l'un des opéras de Haendel dont le livret creuse le plus profondément la psychologie des personnages sur la scène dénudée du Grand Théâtre de Genève. Une troupe de chanteurs, parfois la partition à la main, semble répéter une pièce qu'elle découvre en même temps que les spectateurs, et qui se confond avec ses propres états d'âme.
Du moins est-ce ce que nous avons tenté d'y déceler, désarmé par un propos souvent illisible, tandis que quelques instantanés de cette vraie fausse répétition, croqués par un peintre – Benoît Delaunay, créateur des images vidéo – à l'avant-scène et projetés sur le mur de fond de scène, replaçaient les protagonistes dans le contexte chevaleresque du livret d'Antonio Salvi, et avant que le sommeil, qui dès longtemps guettait, nous eut envahit durant le ballet des Songes qui clôt le deuxième acte.
Il convient de dire, pour peu que nous soyons pardonnable d'un tel manquement à l'attention soutenue qu'exige l'exercice de la critique, que durant l'air précédant cette entorse aux canons de l'opera seria, d'où les divertissements dansés étaient exclus, la Ginevra de Patricia Petibon, que l'étoffe de son médium légitime dans ce type d'emploi, particulièrement au diapason moderne, n'avait cessé de dévier l'intonation d'une manière plus lénifiante qu'expressive.
Il est aussi vrai que Kenneth Montgomery, déjà à l'oeuvre dans un Jules César nancéien métamorphosé en tunnel, se révèle incapable d'imposer une quelconque tension au discours, comme indifférent au premier acte, un peu plus concerné ensuite, notamment par les interventions de l'infâme Polinesso, sans pour autant soutenir le drame, enlisé dans la grisaille approximative de l'Orchestre de Chambre de Genève.
Dans un tel contexte, même la meilleure des distributions aurait toutes les peines du monde à tirer son épingle du jeu. Sans cadre stylistique ni assise rythmique, celle-ci s'en sort sans honte ni gloire. Malgré l'aisance de la vocalise, Antonio Abete demeure une basse bouffe dont la projection terne ne peut rendre la noblesse blessée du Roi d'Écosse, à l'inverse de Charles Workman, dont le Lurcanio d'une mâle matité serait idéal si la colorature n'avait parfois tendance à lui échapper.
Typiquement soubrette par le timbre, mais de technique et de style bien éduqués, la Dalinda d'Amanda Forsythe ne va pas jusqu'à se distinguer, privilège du Polinesso aux traits anguleux et au regard idéalement noir de Varduhi Abrahamyan, alors même que la tessiture du rôle, aussi crânement affrontée que possible, se révèle constamment trop basse pour que son mezzo s'y épanouisse.
Et puis, bien au-dessus de la mêlée, Joyce DiDonato s'impose malgré les nombreux obstacles, à peine plus d'un mois après l'Alcina surnaturelle où elle osait le rôle-titre, écrit pour Anna Maria Strada del Pò, créatrice de Ginevra, et non Ruggiero, qui suivit immédiatement Ariodante dans la courte carrière londonienne du castrat Carestini.
Le timbre, de plus en plus sopranisant – le diapason moderne n'y est pas pour rien –, irradie sur l'ensemble de l'ambitus, pourtant gigantesque, la vocalise, une des plus ardues que Haendel ait jamais écrite, est d'une aisance pour ainsi dire – car avec le secours d'une pulsation plus nette, le souffle ne se tarirait pas in extremis dans Con l'ali di costanza – confondante, et surtout, chacune de ses interventions insuffle la vie à un plateau d'où elle semblait bannie.
Avec un chef plus soucieux de dynamique, de style, et avant tout de dialogue, il est certain que cette prise de rôle, éblouissante à bien des égards, eût été miraculeuse.
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Grand Théâtre, Genève Le 11/11/2007 Mehdi MAHDAVI |
| Nouvelle production d'Ariodante de Haendel mise en scène par Pierre Strosser et sous la direction de Kenneth Montgomery au Grand Théâtre de Genève. | Georg Friedrich Haendel (1685-1759)
Ariodante, dramma per musica en trois actes HWV 33 (1735)
Livret anonyme d'après Ginevra, principessa di Scozia d'Antonio Salvi, inspiré de l'Orlando furioso de l'Arioste.
Orchestre de Chambre de Genève
direction : Kenneth Montgomery
mise en scène et décors : Pierre Strosser
costumes : Patrice Cauchetier
création images vidéo : Benoît Delaunay
éclairages : Joël Hourbeigt
Avec :
Joyce DiDonato (Ariodante), Varduhi Abrahamyan (Polinesso), Patricia Petibon (Ginevra), Amanda Forsythe (Dalinda), Charles Workman (Lurcanio), Antonio Abete (Il Re), Norman Shankle (Odoardo). | |
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