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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 octobre 2024 |
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Nouvelle production d'Elektra de Strauss mise en scène par Mario Pontiggia et sous la direction de Stefan Lano au Teatro Colón de Buenos Aires.
Un crime presque parfait
Luana DeVol (Elektra) et Graciela Alperyn (Clytemnestre).
Le Teatro Colón est actuellement en travaux de rénovation et modernisation, ce qui oblige à jouer la saison dans d'autres théâtres de Buenos Aires – dont la ville ne manque pas –, en l'occurrence ici le Teatro Coliseo. Avec cette production d'Elektra, le Colón prouve qu'il fait toujours partie des plus grandes scènes lyriques mondiales.
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L'Opéra de Paris n'a pas le monopole de l'opéra du XXe siècle, et le Colón offre une nouvelle production d'Elektra de très grande qualité. Sa mise en scène originale est pourtant contestable. La bonne idée vient de ce voile devant la scène, totalement invisible, mais qui permet de lisser les formes et surtout d'y projeter des images qui viennent approfondir la tension dramatique déjà forte de l'oeuvre.
La superposition d'Électre avec un casque guerrier dans son monologue, où elle invoque l'esprit de son père Agamemnon est esthétiquement très réussie, tout comme celle de Clytemnestre un globe dans la scène du sacrifice. Les décors sont très adéquats : une grande cage de béton se refermant légèrement au sommet, permettant aux personnages d'évoluer sur deux niveaux, et des escaliers de toutes parts au sol qui rendent l'évolution scénique moins monotone.
On regrettera toutefois une direction d'acteurs trop en retrait, avec un jeu poussif, exagéré et des gestes souvent inopportuns voire abscons. Par ailleurs, les mouvements des personnages ne sont pas bien pensés : ils déambulent lentement sur le décor, hésitent sur les escaliers, alors que la pièce voudrait qu'ils courent, se débattent, dans un grand mouvement désorganisé, notamment dans la scène du meurtre d'Égisthe et Clytemnestre. Certaines incohérences gênent particulièrement, et l'on regrettera surtout l'usage souvent injustifié d'accessoires modernes, qui n'apportent rien à cette lecture mais viennent au contraire alourdir une production déjà chargée.
L'oeuvre est servie par deux distributions inégales, mais toutes deux de bonne qualité. Dans la première, Luana DeVol est excellente dans le rôle-titre, très en voix, subtile, mais manque parfois de puissance dans des graves qui peinent à passer l'orchestre. De plus, son physique imposant ne l'aide pas vraiment à être crédible dans le rôle d'une jeune femme battue et affamée.
Chrysotémis, incarnée par Virginia Correa Dupuy, se défend mais reste terne et peu habile. Étonnamment, la distribution « d'appoint » est de meilleure qualité. Susan Marie Pierson est une Électre masculine, frêle mais combattive, tant par sa prestation d'actrice que par sa voix ample, épaisse, merveilleuse dans des aigus souples et puissants. La Chrysomthémis d'Eiko Senda est elle aussi époustouflante. Le public ne s'y trompe pas, et lui réserve la plus grande ovation de la soirée, dont elle semble sincèrement surprise. Sur les deux distributions, on saluera particulièrement la performance de la basse Hernan Iturralde en Oreste, mais on regrettera la piètre prestation des deux mezzos Graciela Alperyn et Elisabeth Canis en Clytemnestre.
L'orchestre est quant à lui dirigé par un Stefan Lano très inspiré. On appréciera tout particulièrement la finesse dont fait preuve cette interprétation qui n'exagère pas la présence des cuivres et équilibre la partition grâce notamment à des bassons très présents, évitant ainsi toute lourdeur. Cette lecture accentue les dissonances, ralentit parfois le tempo pour accentuer la tension dramatique, et semble tout à fait en accord avec la vision du metteur en scène Mario Pontiggia. L'Orquesta Estable del Teatro Colón n'a décidément rien à envier à d'autres orchestres, et fait preuve d'une discipline que l'on aimerait parfois voir plus dans les fosses parisiennes.
Si l'on aurait aimé plus de sobriété scénique et une direction d'acteurs plus poussée, cette production reste d'une très grande qualité, bien qu'un grand nombre de sièges vides dans la salle montre qu'il ne suffit pas de franchir l'Atlantique et l'équateur pour trouver un véritable enthousiasme du public pour les chefs-d'oeuvre du XXe siècle.
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Teatro Coliseo, Buenos Aires Le 27/10/2007 Arthur RICHER |
| Nouvelle production d'Elektra de Strauss mise en scène par Mario Pontiggia et sous la direction de Stefan Lano au Teatro Colón de Buenos Aires. | Richard Strauss (1864-1949)
Elektra, tragédie en un acte (1909)
Livret d'Hugo von Hofmannsthal d'après Sophocle
Orquesta Estable del Teatro Colón
Coro Estable del Teatro Colón
direction : Stefan Lano
mise en scène : Mario Pontiggia
décors et costumes : Daniela Taiana
éclairages : Horacio Efron
préparation des choeurs : Salvatore Caputo
Avec :
Luana DeVol, Susan Marie Pierson (Électre), Virginia Correa Dupuy, Eiko Seida (Chrysotémis), Graciela Alperyn, Elisabeth Canis (Clytemnestre), Hernán Iturralde (Oreste), Carlos Bengolea, Fernando Chalabe (Égisthe). | |
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