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CRITIQUES DE CONCERTS 22 novembre 2024

La passion du chant selon Pierre-Laurent Aimard, avec Yvonne Naef, Mikhaïl Petrenko et Ferruccio Furlanetto à l'Opéra de Paris.

La passion du chant malgré la grève et le froid

Belle soirée lyrique au palais Garnier, grâce à Pierre-Laurent Aimard dont les invités Yvonne Naef, Mikhaïl Petrenko et Ferruccio Furlanetto, dans un programme magnifique, savent renouer avec la tradition de vraies grandes voix faisant de la grande musique. Un concert de très haute tenue, bravant la grève des transports et la vague de froid !
 

Palais Garnier, Paris
Le 18/11/2007
Gérard MANNONI
 



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  • Après Mathias Goerne accueilli le 30 septembre pour un programme Schubert-Shoenberg, Pierre-Laurent Aimard avait choisi cette fois de mettre en miroir musique vocale russe et musique de Messiaen. Pour cela, il avait invité trois des plus belles voix du grand circuit international actuel, à savoir Yvonne Naef, Mikhaïl Petrenko et Ferrucio Furlanetto.

    La première fut en 2005 une splendide Brangäne à l'Opéra Bastille et en 2006 Didon dans les Troyens. Voix immense, claire, de très belle matière et art du chant accompli, comme celui des authentiques musiciennes. Elle reviendra pour Eboli dans Don Carlo.

    Le jeune baryton Mikhaïl Petrenko, 31 ans, a déjà certains des plus grands rôles du répertoire à son palmarès sur les plus illustres scènes internationales. On vient tout juste d'apprécier encore son timbre exceptionnel – un Ghiaurov jeune ? – dans le Roméo et Juliette de Berlioz monté par Sasha Waltz. On va le revoir aussi dans Don Carlo, en Grand Inquisiteur, car bien que baryton, la couleur de son timbre et l'aisance de ses graves lui ouvrent tout aussi aisément le répertoire de basse.

    Quant à Ferrucio Furlanetto, c'est l'une des stars les plus appréciées du public parisien devant lequel il s'est produit si souvent depuis plus de vingt ans. La voix n'a jamais été plus belle, riche de timbre, libre, puissante, impressionnante de projection spontanée. Et au piano, Pierre-Laurent Aimard, qui trouve ici une occasion de montrer une fois de plus sa polyvalence au plus haut niveau.

    Pas facile à organiser, pourtant, ce concert, avec les grèves et la vague de froid ! Aimard l'explique en prologue : pas de lumières de scène, mais cela crée une intimité plus grande, et à ce degré d'exécution musicale, on aurait écouté dans l'obscurité totale ! Beaucoup de monde quand même dans la salle, passionnés courageux venus malgré l'absence presque totale de bus et de métros, malgré une température sibérienne, ce froid qui amène Yvonne Naef à ménager ses moyens et à ne chanter que les Poèmes pour Mi de Messiaen, abandonnant les Chants de terre et de ciel.

    Pierre-Laurent Aimard les remplace par trois préludes de Messiaen, musique dont il sait mettre en valeur toute la beauté, technique pure, sonorité très sophistiquée, émotion sincère permanente. Vraiment superbe, tout comme l'autre prélude qu'il jouera en transition au milieu de la deuxième partie du concert.

    Quant à Yvonne Naef, même si sa prononciation laisse parfois à désirer, elle donne une interprétation d'une rare intelligence littéraire et musicale de ces très difficiles Poèmes pour Mi. Au-delà des splendeurs d'une des plus vraies voix de grand mezzo actuel, c'est une approche très réfléchie, très intériorisée et vraiment complète dont elle nous fait bénéficier.

    La deuxième partie de la soirée est russe, à l'exception du prélude de Messiaen. Avec sa silhouette de danseur, veste noire cintrée à la mode et jambes interminables moulées par un pantalon bien collant, Mikhaïl Petrenko chante les Sans soleil de Moussorgski. Ici encore, beauté des moyens vocaux, maîtrise de l'artiste en tous domaines et générosité de l'interprétation, tout y est. Un grand moment de chant et de musique, pour ce cycle qui reste l'un des plus attachants du répertoire russe.

    Univers plus sombre encore, voire totalement désespéré que celui des Chants et danses de la mort du même Moussorgski. Gageons que l'on n'attendait pas forcément Furlanetto dans ce répertoire, surtout avec une telle intensité dramatique, une telle gamme de nuances s'appuyant sur la langue russe. Tout l'impact impressionnant de la maturité artistique de l'un des très grands chanteurs de notre époque.

    Univers de Messiaen face à celui de Moussorgski, l'idée était riche d'intentions, autant pour les contrastes qu'elle soulignait que pour les rapprochements qu'elle indiquait, en particulier dans une préhension si vibrante des élans de la nature humaine face à la mort, face à l'amour et à ses désespérances. Une soirée vraiment exceptionnelle.




    Palais Garnier, Paris
    Le 18/11/2007
    Gérard MANNONI

    La passion du chant selon Pierre-Laurent Aimard, avec Yvonne Naef, Mikhaïl Petrenko et Ferruccio Furlanetto à l'Opéra de Paris.
    La passion du chant selon Pierre Laurent-Aimard
    Yvonne Naef, mezzo soprano
    Mikhaïl Petrenko, basse
    Ferrucio Furlanetto, basse
    Pierre-Laurent Aimard, piano

     


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