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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Peut-être signe de ces temps de métissage culturel, le Quatuor de Tokyo, vieux de trente ans, dont les origines remontent à l'Ecole de Musique Toho de cette ville, est maintenant japonais à seulement cinquante pour cent. En 1996, l'Ukrainien Mikhail Kopelman, membre précédemment du Quatuor Borodine, en est devenu le leader, et en juin de cette année, le violoncelliste britannique Clive Greensmith, a rejoint la formation, remplaçant le membre fondateur Sadao Harada.
Greensmith, auparavant premier violoncelle du Royal Philharmonic Orchestra, doit rattraper une grande partie de répertoire, et a donc une grande responsabilité sur les épaules. Le concert de Dimanche au Queen Elizabeth Hall a donné au public britannique sa première occasion d'entendre le groupe dans sa nouvelle configuration. La bonne nouvelle est que les deux nouveaux musiciens sont totalement à la hauteur de la tradition dont ils héritent : le jeu de quatuor a été de la plus grande classe.
L'un des chevaux de bataille du groupe a toujours été le Quatuor de Ravel et ces artistes ont dû déployer une souplesse merveilleusement expressive. Les motifs précipités du premier mouvement furent intégrés à des schémas finement ciselés, avec un jeu aux couleurs et à la texture scintillantes. Le Scherzo bénéficia lui aussi d'un phrasé méticuleusement dessiné, avec une insertion subtile du pizzicato, mais c'est dans le mouvement lent que les sonorités sensuellement voilées et les harmonies douce-amères produisirent leur effet le plus enchanteur.
Dans cet oeuvre comme dans les deux pièces classiques interprétées – quatuors de Beethoven et de Haydn, les timbres d'un exquis raffinement des instruments Stradivarius sur lesquels jouait l'ensemble (surnommé le “Quatuor Paganini”) rehaussèrent leur interprétation de façon incommensurable. Dans le quatuor en sol majeur, op.77 N°1, qualité sonore et style expressif allèrent de pair dans une lecture à la fois bouillonnante et réfléchie.
Dans le quatuor en ut majeur, Op.18 N° 3, de Beethoven, le mouvement lent a permis à Kopelman de faire étalage du son extraordinairement riche et doré de son registre grave. Tous les mouvements gagnèrent un jeu d'ombres quasi miraculeux à partir de l'interrogatif septième ascendant qui ouvre l'oeuvre. Le presto final fut un déferlement étincelant d'échanges en antiphonie et de soudains changements de direction, le tout délivré à toute vitesse. Un jeu vraiment fabuleux.
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Queen Elizabeth Hall, London Le 12/12/1999 Barry MILLINGTON |
| Le Quatuor de Tokyo Ă Londres | Quatuor de Tokyo
Mikhail Kopelman (violon), Kikue Ikeda (violon), Kazuhide Isomura (alto), Clive Greensmith (violoncelle) | |
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