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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Tannhäuser de Wagner mise en scène par Robert Carsen et sous la direction de Seiji Ozawa à l'Opéra de Paris.
Prodiges Ă la Wartburg
À peine affecté par le ciel de traîne des mouvements sociaux, le nouveau Tannhäuser de l'Opéra de Paris, présenté avec costumes et éclairages mais sans décors, s'avère une réussite exemplaire, entre un plateau sans faiblesse et la direction pleine de sortilèges du chef nippon Seiji Ozawa, qui aura droit à une standing ovation.
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Pour son entrée au répertoire de la Bastille, Tannhäuser aura fait l'objet de tous les soins. Soucieux de rappeler, contrairement à sa réputation, la prééminence de la musique à l'opéra, Gerard Mortier a mis les petits plats dans les grands et concocté une distribution de premier choix, de celles que Bayreuth n'est plus à même de s'offrir depuis des lustres.
S'il a également triomphé sur la Colline sacrée dans le même rôle, ainsi qu'au Grand Théâtre de Genève, Stephen Gould ne cesse de peaufiner son Tannhäuser. Doté du plus beau matériau – égalité du timbre, ampleur de la projection, présence identique dans le grave, le médium et l'aigu – l'Américain n'a jamais été aussi convaincant, et délivre ses couplets du I avec une insolence jubilatoire.
Naguère moins aguerri à l'endurance du Récit de Rome, auquel il réserve encore d'inutiles effets de colère que la seule écriture wagnérienne suffit pourtant à évoquer, il tient désormais le rôle de bout en bout, et se paie même le culot de superbes sons filés où jamais le timbre ne se dérobe dans le pianissimo.
Franz-Josef Selig est un Hermann tout en noblesse, en rondeur, en chaleur de l'émission et en grave souverain, seulement à la peine sur les notes extrêmes de l'aigu. D'une émission toujours curieuse et artificiellement gonflée, Matthias Goerne opère des miracles de subtilité dans une Romance à l'étoile où la demi-teinte laisse entrevoir la clarté naturelle de la voix. Le velouté, la souplesse de la ligne, le legato royal, l'élégance des intentions qui rappellent que le baryton fut l'élève de Fischer-Dieskau et Schwarzkopf sont au service d'un Wolfram idéalement littéraire.
Fruit d'une évolution pertinente vers les emplois de soprano dramatique, Béatrice Uria-Monzon, après sa Judith du Château de Barbe-bleue la saison dernière, est une Vénus somptueuse, le trait large, l'émission beaucoup plus contrôlée qu'autrefois. Dans les extases tristaniennes de la version de Paris, elle peut de surcroît répandre à l'envi une sensualité tout en retenue au-dessus des irisations chromatiques de l'orchestre.
Après ses triomphes dans Madame Lidoine et Chrysothémis, Eva-Maria Westbroek, dont on avait tant aimé la flamme et l'aigu incendiaire, aurait tendance à décevoir en Elisabeth. D'un véritable engagement dans Dich teure Halle, elle peine dans la prière du III à trouver la sérénité, le calme intérieur nécessaires. Le vibrato fiévreux, une tendance à chercher le souffle, le nivellement des nuances ternissent quelque peu une prestation toutefois largement honorable.
Un Wagner très français
Évoquons enfin l'objet de la standing ovation de cette première : la direction de Seiji Ozawa. Le chef nippon marche souvent à l'encontre de la tradition en faisant sonner Wagner très français, avec de nombreuses atmosphères chambristes et une clarté des bois qui n'est pas sans rappeler Berlioz. Dans un premier temps, le discours manque de souffle et d'arêtes vives, l'ouverture d'électricité, sans véritable cohésion en raison notamment d'un bloc de cuivres massé tout à cour dans la fosse. Surtout, la battue reste floue au niveau rythmique pendant une bonne partie du I.
Mais Ozawa signe progressivement un traité de la couleur orchestrale comme rarement on en avait entendu dans Wagner, et finit par délivrer des sortilèges sonores à chaque coin de mesure. Quel dommage, dans pareil contexte, que les Choeurs de l'Opéra sonnent avec un tel laisser-aller ! Réduites à un simple concours de décibels, d'une totale négligence dans les attaques, les interventions des voix masculines rivalisent ce soir d'hétérogénéité – le premier choeur des pèlerins où l'on peut sans peine identifier cinq timbres différents !
Quant à la partie scénique, amputée des décors en raison de la grève, elle laisse penser, si la direction d'acteurs est bien celle prévue par le metteur en scène, que Robert Carsen n'évolue pas si loin des stéréotypes. Qu'importe, ce soir, la Wartburg a vraiment de quoi organiser un tournoi de chant à la hauteur de sa réputation, et c'est là l'important !
Opéra Bastille, jusqu'au 30 décembre.
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Opéra Bastille, Paris Le 06/12/2007 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Tannhäuser de Wagner mise en scène par Robert Carsen et sous la direction de Seiji Ozawa à l'Opéra de Paris. | Richard Wagner (1813-1883)
Tannhäuser, oder der Sängerkrieg auf Wartburg, opéra romantique en trois actes (1845)
Livret du compositeur
Version de Paris (1861)
Choeurs et Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Seiji Ozawa
mise en scène : Robert Carsen
décors : Paul Steinberg
costumes : Constance Hoffmann
Ă©clairages : Robert Carsen & Peter Van Praet
préparation des choeurs : Peter Burian
Avec :
Stephen Gould (Tannhäuser), Eva-Maria Westbroek (Elisabeth), Matthias Goerne (Wolfram von Eschenbach), Béatrice Uria-Monzon (Venus), Franz-Josef Selig (Hermann), Michael König (Walther von der Vogelweide), Ralf Lukas (Biterolf), Andreas Conrad (Heinrich der Schreiber), Wojtek Smilek (Reinmar von Zweter). | |
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