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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Cent douze ans et une forme éblouissante : l'Orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam, devenu Royal pour son centenaire, en 1988, n'a pas fini de surprendre. Entre Gustav Mahler et lui, les liens sont anciens, solides, durables. Dès 1895, en effet, le chef-compositeur dirigea cette formation qu'admirait son confrère Richard Strauss, et dont le son, généreux et sensuel, convenait à ses propres oeuvres. Grâce, entre autres, à Wilhelm Mengelberg la tradition s'est maintenue, jusqu'à Bernard Haitink et aujourd'hui Riccardo Chailly.
Les enregistrements de ce dernier pour Decca, dont la récente et splendide Quatrième Symphonie, séduisent par une profondeur sonore, une beauté plastique et un velouté unique. On retrouve ces mêmes qualités dans ce programme conçu comme un hommage à Mahler. Insolite, la première partie est consacrée à Bach, mais Bach réorchestré, repensé, recomposé par l'auteur du Chant de la Terre en une Suite qui reprend les pièces les plus connues des Deuxième et Troisième Suites. Les instrumentistes du Concertgebouw s'y révèlent virtuoses et déploient un jeu de timbres et de couleurs épurés de toute lourdeur ; à tel point qu'il confine à la pure abstraction, les pages les plus chorégraphiques devenant ainsi un exercice formel aussi curieux qu'intriguant. Inutile de dire que les baroqueux purs et durs en sont pour leurs frais.
Dans la nouvelle version critique révisée par Renate Stark-Voit, les Lieder du Knaben Wunderhorn sont répartis entre des interprètes qui peuvent être interchangeables- d'où une plus large palette vocale que dans les éditions habituelles. Ici sont conviés quatre chanteurs : Barbara Bonney, toujours fraîche et délicate, qui décrit La Vie céleste (Das Himmlische Leben) avec un humour gourmand ; Sarah Fulgoni, mezzo au grave clair et pulpeux ; Rudolf Schasching, ténor très décent auquel ne revient que le seul Revelge (Réveil) ; enfin Matthias Goerne, baryton bien connu pour ses récitals, sobre et distingué dans son phrasé comme son maître Dietrich Fischer-Dieskau. À son exemple, il manie les mots avec subtilité, mais sans faire oublier une voix qui semble pauvre en harmoniques et qui passe mal la rampe.
Reste qu'au fil de ces mélodies naïves, aux tons souvent vifs et hardis, Chailly bâtit un monde de rêve, dont l'enfance n'est pas loin. Il retrouve une fois de plus son habituelle spontanéité et cet art de conteur qui fait également son succès à l'opéra.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 05/06/2000 Michel PAROUTY |
| Riccardo Chailly dirige le Concertgebouw d'Amsterdam au Théâtre du Châtelet, Paris. | Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam
Direction : Riccardo Chailly
Suites pour orchestre de Bach arrangées par Mahler et lieder du Knaben Wunderhorn de Mahler
Avec Barbara Bonney (soprano), Sarah Fulgoni (mezzo-soprano), Rudolf Schasching (ténor), Matthias Goerne (baryton). | |
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