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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Avec le recul de nombreuses mises en scènes parisiennes (les Gluck de la rentrée dernière au Chatelet), il est difficile de ne pas se rendre compte que Bob Wilson réutilise toujours peu ou prou la même mise en scène : une toile fond de couleur dégradée (généralement bleue), un décor dépouillé et très stylisé façon Zen, des personnages en habillés en noir, blanc ou bleu clair, mu par des mouvements hiératiques et raides, enfin des effets fréquents d'ombres chinoises.
C'est pourtant peut-être dans Pelléas et Mélisande que cette mécanique sophistiquée fonctionne le mieux. Sauf quand il y a des ratés et que différents décalages des éclairages surviennent à contre-temps de la musique. Dès lors le charme est rompu. C'est l'impression du danseur de cordes soudain pris de vertigeŠ Effet contraire, je n'en ai que mieux admiré le travail des chanteurs qui se sont pliés à la gestique figée imaginée par Robert Wilson, au point que l'on pouvait la croire imaginée sur eux et pour eux. Joan Rodgers surtout s'impose comme l'interprète rêvéeŠ je ne dis pas de Mélisande, mais de la Mélisande de Wilson, avec des poses d'une préciosité de geisha. Avec son fin visage de poupée, rien ne paraissait ni exagéré, ni outrancier. Il y avait même dans le rapport entre elle et le Pelléas de David Herschel une telle inhumanité complice qu'elle en devenait une humanité autre. Rencontre d'un troisième type.
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Dans ces costumes intemporels, aux lignes si séduisantes et belles, chaque personnage était comme éclairé de l'intérieur, avec sa couleur propre qui correspondait à la lenteur de sa gestique, de ses déplacements. José van Dam, était si hiératique dans sa douleur et son incompréhension, au point de faire croire à un certain dédoublement, comme si Golaud tentait de retrouver Van Dam ! Robert Lloyd impressionnant, mais incompréhensible, hélas. Et Nadine Denize, royale, intelligente et musicale à l'extrême, jusque dans les silences.
Malheureusement, il y avait dans la fosse un chef aussi maladroit que peu inspiré. Le double texte de Maeterlinck et de Debussy lui était langue étrangère au point qu'il rendait incompréhensible la belle élocution des chanteurs. Ecrasant de tout le poids des cordes les fins dessins de la petite harmonie. Ni mystère, ni beautéŠ et privé du soutien de l'orchestre le spectacle était davantage inachevé que l'avait paru la version concertante dirigée de main de maître par Haitink. De surcroît l'orchestre lui-même paraissait mal à l'aise, accumulant approximations et décalages, fausses notes et couacs.
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Palais Garnier, Paris Le 16/05/2000 Antoine Livio (1931-2001) |
| Reprise de Pelléas et Mélisande au Palais Garnier, Paris. | Pelléas et Mélisande de Claude Debussy
Direction musicale : Mark Elder
Mise en scène et décors : Robert Wilson
Costumes : Frida Parmeggiani
Lumières : Heinrich Brunke
Avec Dietrich Henschel (Pelléas), Joan Rodgers (Mélisande), José Van Dam (Golaud), Nadine Denize (Geneviève), Robert Lloyd (Arkel), Gaële Le Roi (le petit Yniold), Frédéric Caton (un médecin). | |
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