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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l'Orchestre Philharmonique de Vienne sous la direction de Valery Gergiev au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
La marque du destin
La venue à Paris du Philharmonique de Vienne a toujours valeur d'événement. Sous la direction engagée, énergique et flamboyante de Valery Gergiev, la dramaturgie des pages de Verdi, Liszt et Tchaïkovski prend une dimension d'improvisation contrôlée qu'assument avec une puissance parfois électrique et tellurique les musiciens viennois.
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Dès l'arrivée en scène de Valery Gergiev, cheveux en bataille et impulsivité de la démarche, le ton est donné. L'ouverture de la Force du Destin de Verdi est implacable de théâtre explicite, embrasant tout l'orchestre d'un feu qui ne cache pas ses flammes avec un expressionnisme – les cuivres s'en donnent à coeur joie et sans modération – non dénué d'envolées mélodiques, mais à mille lieues des nuances plus authentiques chères à Riccardo Muti.
Volontiers excessif, d'une sensibilité à fleur de peau mais sûr de son génie, Lamartine aurait sans doute apprécié la vision parfois apocalyptique des Préludes de Liszt offertes par le chef ossète. En effet, sous sa conduite démonstrative possédée non seulement par la grandiloquence de l'oeuvre mais aussi par l'ivresse sonore qui s'en dégage, les instrumentistes font flèche de tout bois avec cette capacité inouïe de s'adapter aux intentions, voire à transformer leur propre sonorité.
Le substratum de l'orchestre – violoncelles et contrebasses – prend du coup plus d'ampleur que de coutume et la finesse légendaire des Viennois pourtant présente devient une hallucinante machine de guerre digne de l'armée de Gengis Khan. L'acoustique du TCE empêche d'ailleurs de percevoir avec toute l'acuité qui convient cette formidable démonstration où le contenant ne suffit plus à absorber le contenu.
En seconde partie, la 5e symphonie de Tchaïkovski, spectaculaire, tendue comme un arc, oscillant entre des tempi fluctuants, privilégie l'inspiration immédiate, la musique qui se construit dans l'instant au détriment d'une lecture plus décantée comme celle proposée récemment par Yuri Temirkanov ou celle jadis défendue avec plus de rigueur par l'athlétique Evgueni Svetlanov.
En bis, pour conclure sur une note plus ludique, les deux polkas de Josef Strauss la Libellule et Sans souci permettent aux Wiener Philharmoniker de briller dans leur arbre généalogique. On reste toutefois dubitatif sur la familiarité de Gergiev avec ce répertoire qui demande souplesse et légèreté.
Mais l'essentiel n'était-il pas tout au long de ce concert dans le combat de l'homme contre les éléments, de la lutte de la vie sur la mort, domaines dans lesquels Valery Gergiev triomphe sans coup férir ? Pour lui comme pour Tristan Bernard, on se doute que « la vie est la seule aventure dont on est sûr au départ qu'elle finira mal ! »
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 21/02/2008 Michel LE NAOUR |
| Concert de l'Orchestre Philharmonique de Vienne sous la direction de Valery Gergiev au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Force du Destin, ouverture (1867)
Franz Liszt (1811-1886)
Les Préludes (1854)
Piotr Ilyitch TchaĂŻkovski (1840-1893)
Symphonie n° 5 en mi mineur, op. 64 (1888)
Wiener Philharmoniker
direction : Valery Gergiev | |
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